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Martin-Lothar

Quantique de l’anacoluthe

15 Mars 2024 , Rédigé par GJG Publié dans #Le Dico, #Quantisme, #Quantiques du loup, #Le Lorrain, #Hergé

Quantique de l’anacoluthe

« Au large, bande d’anacoluthes ! » (Hergé, Les Aventures de Tintin)

« Anacoluthe : nom féminin (du grec anakolouthon, sans liaison, 1715). Linguistique. Changement brusque de construction. » (Larousse Lexis, janvier 1979)

Par nos temps consternants de burlesques immédiatiques et de tartufferies panurgiennes, il devient bien prudent et urgent de choisir avec grande sagacité les insultes ou les injures qu’une colère plus ou moins légitime vous forcerait à proférer à l’encontre de plus en plus de quidams ou d’institutions de tout poil, pelage, sexe, âge et horizon.

À cet effet, je vous conseille d’aller puiser dans les ressources profuses, inestimables et érudites de dictionnaires rabelesques, Jarryesque, oulipiens ou encore haddockiens.
C’est dans ce dernier inénarrable lexique que nous trouvons le mot « anacoluthe » qui a deux avantages majeurs : primo, il est inconnu d’ouïe et/ou de sens par 99,99% des huit milliards de paires de fesses cervelées ou non qui constituent l’humanité et secundo, si par hasard il l’était, 99,99% des 0,01% restant n’ont toujours pas très bien compris la signification précise et donc l’utilité d’une anacoluthe.
Une insulte de cet acabit et de ces qualités a donc beaucoup de chances de désarmer l’adversaire dans un premier temps, et plus tard, s’il est trop vindicatif, de jeter la police ou la justice dans un doute pascalien digne du plus abyssal trou noir de l’univers.
Au bout du compte, vous serez soulagés en vous faisant plaisir à peu de frais et de tracas.

Attention : le reste de ce billet ne devra en aucun être produit ou cité devant un éventuel tribunal (officiel) ou une quelconque inquisition de banlieue sensible et germanopratine, dans la mesure où — ô mes lecteurs rares, mais bien aimés — je vais tenter de vous initier aux mystères quasi quantiques de l’anacoluthe et je dirais même plus, aux arcanes majeurs de l’anacoluthisme !

Oublions un instant la verve de Archibald Haddock et concentrons-nous sur la véritable définition de l’anacoluthe.
En linguistique, il s’agit donc d’une rupture dans la construction d'une phrase. 
Il peut s'agir soit d'une maladresse, d’une erreur, soit d'une figure de style audacieuse et sympathique. L’anacoluthe, volontaire ou non, produit un chaos, un trouble dans l’esprit du lecteur ou de l’auditeur qui se demande alors si l’auteur ne péterait pas un peu les plombs.
C’est inattendu, insolite, illogique, bizarre, surréaliste et in fine, très souvent incompréhensible, voire énigmatique ; 
c’est un peu l’OVNI (Objet Verbal Non Identifié) de la syntaxe ou du discours ; c’est le cheveu sur la soupe ou la « couille barine dans le potage ».
Ne pas confondre l’anacoluthe avec l’anantapodoton (du grec anantapodoton « sans proposition correspondante ») qui en est un cousin proche, mais qui souligne plutôt un manque ou une omission involontaire d’une phrase ou d’un mot.

Quittons le lexique et la grammaire et allons voir où l’anacoluthe peut bien se glisser dans notre vie quotidienne :
Est peut-être « anacoluthique », l’ange qui passe silencieux lors d’une conversation animée (voire bien arrosée) de repas de famille et faisant parfois dévier le débat sur un autre sujet plus ou moins houleux et éventuellement en anacoluthe tel « le versant sud-ouest des montagnes Rocheuses » (sujet totalement incongru pour mes lecteurs n’étant pas de ma famille).

L’anacoluthisme débile gangrène profusément nos actuels politi-chien-chiens à leur mémerde de tout azimut et de tout drapeau miteux flottant dans leurs pitoyables et incessants ouragans en dé à coudre et qui passent — toute honte sniffée — du coq décati et chancelant sur ses pattes merdeuses à l’âne chouté pétant ses braiments de psychopathe mégalomane qui se sent plus ou moins largué par tous, partout et en toutes choses.
Ils ont du reste transmis cette maladie, à de nombreux hurluberlus média-tiqués de leur fumeuse basse-cour telle, par exemple et par métaphore, une obscure starlette franchouillarde de compétition remerciant un jury et une assemblée ultra-parisienne de sa nomination en exprimant sa révolte causée par l’augmentation honteuse du prix des betteraves rouges en Tasmanie orientale.

Nos rêves du sommeil sont perclus d’anacoluthes qui s’immiscent en situations insolites et en personnages inconnus entre deux scènes de souvenirs plus ou moins attestés et avec le père Freud, nous pourrions conclure que nous sommes tous des anacoluthes qui s’ignorent.
Cela étant, même à jeun de boissons fermentées ou d’herbes qui font rire, dans nos rêves éveillés, nos pensées et réflexions, dans nos créations, une « comète anacoluthique » peut surgir, et ce, pour notre plus grand désarroi comme pour notre plus grand bonheur de « sortir une fois ou enfin de cette foutue boite logique »

L’anacoluthe peut être géniale en effet et pour illustrer ce billet, j’aurais pu placer le tableau de Jan Van Eyck  « Nicolas Rolin, chancelier du duc de Bourgogne » qui est le sujet d’un article passionnant (mais hélas, fort mal commenté) de l’indispensable maître Costar sur son somptueux blogue « Ce Glob est Plat », mais j’ai préféré mon  peintre préféré, Claude Gellée dit le Lorrain dont les personnages minuscules — que l’artiste nous force un peu à ignorer — ne sont qu’une bande d’anacoluthes fourmillant très souvent dans ses paysages grandioses.

Or donc et subséquemment :

Illustration : Claude Gelée (ou Gellée) dit le Lorrain, (vers 1604-1682), Paysage avec Jacob Combattant l’Ange,1672, huile sur toile, 113 x 157 cm, musée de l’Hermitage, Saint-Pétersbourg, Europe.

Fin de loup
 

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G
on s'accroche pour tout capter ! à quand l'exposé sur le chiasme ? merci de nous faire triturer les neurones
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M
Gibulène : Ah ! Le chiasme ! Oui, un truc très bizaroïde de géomètrie quantique. Merci de me l’avoir rappelé. Je vais m’y atteler, promis.<br /> Vous a t-on un jour traité (e?) de « chiasme » ? Quel effet cela fait ?<br /> J’espère ne pas avoir trop endommagé vos neurones en les triturant, mais visiblement, vous vous êtes laissé (e?) faire tout en prouvant que vous en avez (des neurones hein !)<br /> Mais si vous êtes maso, sado je ne suis. (Tiens ! un petit chiasme en cadeau)