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Martin-Lothar

Rune —Messieurs les Nazus, René Normand

23 Mars 2024 , Rédigé par GJG Publié dans #Runes, #Le Dico, #Histoires d'Histoire, #Le manuel de survie

Rune —Messieurs les Nazus, René Normand

J’ai trouvé ça au fond de ma tanière parmi les feuilles et les ossements :

Grillons noirs des vieilles cheminées,
Lézards gris des maisons surannées,
Faunes de canaux et du rivage,
Ils sont assortis au paysage.

Ils sont sérieux, absorbés, vieillots,
Grêles des jambes, voûtés du dos.
Leur esprit médite gravement
Car ils ont vieilli précocement.

Ils sont piteux, mais fiers sous l’injure ;
Leur gosier qu’étrangle une fêlure
Râpe une lafleuresque tirade
Où grondent l’injure et la bravade.

Et lorsque leur ennemi s’est tu,
Dressés encore, le front têtu,
Ils crachent leur nase avec rancœur
Comme un défi lancé au malheur.

René Normand (1929 ?)

Note
Les Nazus (morveux, en picard) étaient les gamins du quartier Saint Leu d’Amiens et dont le nez coulait tout le temps. Un endroit naguère ouvrier, pauvre, dangereux, sombre, froid et humide ; une cour des Miracles faisant face à la plus belle et somptueuse cathédrale de l’Univers sur l’autre rive fluviale de la Somme.
Ces loupiots (leu = loup) vieillots, car « vieillis précocement », à jamais « nazes » à vue de nez coulant, n’ont donc rien à voir avec les sbires teutons de « Kitussais » même si beaucoup d’entre eux ont aussi disparu avec un nœud coulant en travers de la gorge.

Fiers d’être « nez » quelque part (comme dirait Georges — Brassens, pas Moustaki) frondeurs et moqueurs, ils ne manquaient donc ni de morve ni de morgue.
Ils étaient un peu les « Poulbots » de Montmartre ou les « Gones » et « Gonesses » de Lyon, les filles de Garches ou les fils de Puteaux de la Picardie d’antan et de naguère réunis.
Ils étaient les ch’tiots gars de la narine picarde (avec un N, mais sans haine) et « nez en moins ou en plus » de la narine française dont on saura toujours ce qu’elle nous dit, surtout du côté de Marseille, de Toulon, voire des Mers d’el-Kébir ou des Bains.

La « lafleuresque » tirade fait référence à Lafleur, une marionnette, espiègle, insolente et goguenarde ; le personnage principal du Théâtre amiénois de cabotins — un genre de Guignol picard.

J’espère que cette rune (pas trop naze) pourra compléter utilement la partie étymologique de bon nombre de dictionnaires à l’article du mot familier « naze » sachant que le picard fut un des piliers de la langue française comme la cathédrale d’Amiens et de Saint Leu (de nos jours réunis) fut une des clés de voute de l’Art gothique.

Lafleur conté par mademoiselle Wikipédia.

Illustration : Pierre Ringard, 1929 ? C’est sûrement moi qui suis naze et ringard, mais je n’ai rien trouvé nulle part sur ce dessinateur, comme sur le poète René Normand, tous deux amiénois certainement. Il manque quelques pages au livre que mes ancêtres m’ont laissé en relique. À votre bon cœur, mes lecteurs.

Fin de leu

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