Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Martin-Lothar

Neuvième Conte du Quanta — L’Accident

28 Novembre 2024 , Rédigé par GJG Publié dans #Contes du Labyrinthe, #Piero di Cosimo, #William Golding

Pour icelles et iceux qui ne connaissent pas mes contes du Quanta, je précise qu'il s'agit de nouvelles où le bizarre se dispute avec le hasard, le quantique avec le binaire, entre autres trucs  mystérieux, voire machins impossibles.
Ce sont des textes intéressants (ou pas) qu'il convient de lire calmement, en les sirotant et surtout, en se gardant de commencer par la fin où apparaît (peut-être) la clé, la révélation de l'histoire : sachez jouir de votre plaisir de lire.

Neuvième Conte du Quanta — L’Accident

« La dernière chose dont nous pouvons discuter, c'est cette peur pour laquelle il faut prendre une décision […] Quand nous aurons arrangé ça, on pourra repartir à zéro et faire attention aux choses importantes comme le feu » (William Golding, Sa Majesté des Mouches)

Le jour se lève.
Un véhicule arrive.
Il arrive bien vite. Il arrive trop vite.
Ça va mal se terminer tout ça.
Je connais ce coin. J’y suis né. C’est tortueux. 
C’est chaotique.
Le choc est terrible. J’en sursaute. 
Ce bruit… J’en frissonne.
Je m’approche. Tout doit être mort là-dedans. 
Tant mieux. 
Je déteste ces gens-là.
Le véhicule s’est cogné contre le vieux chêne. 
Cet arbre est énorme, sec et vieux . 
Je le connais bien, j’ai fait mes premiers pas non loin. 
Il a résisté quand même. 
Je m’approche encore.
Ce silence est terrible. 
Je devrais m’en aller. 
Je ne sais pas ce qui me retient.
C’est l’âge sans doute.
Mais ça pue.

Ah, malheur, non pas ça ! 
Pas ça !
De la fumée. Ça fume là-dessous. 
Le feu, ah, malheur, le feu !
Je hais le feu. Il n’y a pas pire que le feu. 
Tout jeune, j’ai échappé de peu à ça. 
J’ai encore mal de mes brûlures.
Le feu est la bête la plus folle, la plus cruelle, la plus immonde qui soit.
C’est méchant.
C’est trop méchant le feu.

Mais ça bouge encore là-dedans ?
C’est vivant et ça sort du véhicule. 
Ça tombe, ça crie et ça rampe dans les herbes sèches.
Je m’approche.
Et puis soudain, c’est l’embrasement.
Des flammes dans le véhicule. 
Des flammes sur l’arbre. 
Des flammes dans les broussailles autour.

Et puis l’autre qui n’en peut plus de ramper et qui hurle. 
Le feu va bientôt lui faire ce que le choc n’a pas fait.
Je devrais foutre le camp.
Je déteste encore plus le feu que ces gens-là. 
Je connais la brûlure. Je sais.
Tant pis, j’y vais.

C’est une femme. 
C’est peut-être une mère.
Je hais ces gens-là et ils me rendent bien trop souvent. 
Mais je sais ce qu’est une mère. 
Je me souviens que le feu a tué la mienne.
Elle me voit arriver comme elle voit arriver le feu 
Le feu ne va pas tarder à l’encercler. 
Elle a peur. Elle hurle. 
Elle ne peut plus bouger.
Ces gens-là puent, c’est atroce. 
Je la déteste.
Je ne peux pas la porter.
Je n’ose pas la tirer.
Alors je la pousse tout doucement.
une première fois 
Tout doucement pour la mettre sur le dos.
Elle comprend vite et se laisse faire.
Ça roule…

Je sens déjà cette horrible chaleur derrière moi. 
Je sens encore le feu tout près de moi.
Comme avant.
Et comme avant, j’ai peur. 
J’ai très peur.
Ces gens-là puent, je les déteste.
Mais c’est peut-être une mère.
Et on continue comme ça jusqu’au chemin. 
Et comme avant, j’ai peur. J’ai très peur.
Mais ça roule…
Loin des taillis, loin du feu…

J’entends alors arriver un autre véhicule et je vois deux autres en sortir.
Il faut que je me tire au plus vite. 
Je déteste ces gens-là. 
Ils sont trop bêtes trop souvent. 
Ils puent.
J’ai fait ce que j’ai pu.
C’est peut-être une mère.
Ils feront le reste.

Le Petit Varois Déchainé - Mardi 19 novembre 2024 - 11h:15 - Article de Juste Real-Litz - Un sauveteur insolite.

Hier, vers 8 heures du matin, sur le chemin forestier dit « de Cobusse », commune de Faramont-les-Deux-Pots, Françoise Jibulaine, 25 ans, se rendant à son travail, a perdu le contrôle de sa toute nouvelle Nesla GPT Prop-Lithium qui a percuté très violemment un chêne avant de prendre feu. Heureusement, la conductrice, bien que grièvement blessée aux jambes a pu s’extraire de son véhicule et ramper quelques mètres avant de s’immobiliser épuisée dans la broussaille desséchée que le feu gagnait rapidement.
Elle ne doit son salut qu’à l’incroyable intervention d’un sanglier qui, par des « poussées délicates de son museau » — précise-t-elle, l’a aidée à rouler sur elle-même jusqu’à la route pour l’éloigner des flammes.
Deux gardes forestiers, Alexandre Costarc de Eyck et Howard-Phillippe Baiherre arrivés sur les lieux peu après l’accident ont d’ailleurs assistés éberlués aux dernières secondes de ce sauvetage des plus insolites. Les deux hommes après avoir vu l’animal s’enfuir ont prévenu les secours et ont pu maitriser rapidement l’incendie à l’aide des extincteurs de leur fourgonnette. 
Sur son lit d’hôpital, la jeune femme dont le pronostic vital n’est plus enragé déclarera : « c’est très bête ce que je vais vous dire ; je ne crois pas à Superman ou à Batman, mais moi je sais que je dois la vie à Supersanglier ! »

Illustration : Piero di Cosimo (Florence, 1462-1521) : « Incendio nella foresta » (incendie dans la forêt) huile sur bois (71 cm x 203 cm) Ashmolean Museum , Oxford, Europe.

Fin de loup
 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
C
Monsieur, je suis de part ma profession garde forestier et fils de garde forestier, et en tournée toujours armé.<br /> Eh bien je vous garantis que si j'avais découvert devant mes yeux interloqués une scène comme vous la décrivez, une femme, et jeune en plus, emportée par un sanglier qui avait peut-être déjà commencé à la bouloter, eh bien je n'aurais fait ni une ni deux, et mon fidèle Verney-Carron Impact NT aurait parlé avant moi et sa selle serait déjà gentiment en train de rissoler au four (je cause de celle du sanglier).<br /> <br /> Et puis on voit que cet article a été écrit par leur intelligence artificielle, là, comme ils disent. De mémoire de garde forestier on n'a jamais vu des noms aussi ridicules, et avec une particule en plus. <br /> Ceci dit ça n'infirme en rien votre émouvante fable, bien entendu, mais sauf votre respect vous devriez vous méfier de ce qui s'écrit dans les journaux varois (et les autres aussi).
Répondre
G
Môssieur le garde Alexandre Costarc. Tout de suite de la brutalité, de la violence et de la haine ! <br /> Bien que connaissant votre très grande noblesse d’esprit et vos talents quasi chevaleresques en matière de beaux-arts, il n’a jamais été question pour moi de vous affubler d’un quelconque blason. <br /> « Eyck » n’est que le lieu d’où le journaliste vous fait venir dans cette histoire. C’est un hameau (varois ?) situé près de Vannes (bon, peut-être un peu plus loin, mais les gardes forestiers comme les sangliers sont très nomades).<br /> Quant à vos délires cynégétiques, bien que vous soyez armé d’un excellent fusil stéphanois, permettez-moi d’imaginer la rigolade du sanglier visé par un chasseur garde forestier qui ne sait même pas faire la différence entre deux variétés de fougères !<br /> Dans son langage, il ne manquerait pas de vous signifier un très provençal : « tare ton tarin de ta race, con ! ».<br /> Alors camembert hein !<br /> Cela étant, vous avez raison : une selle de sanglier grillée au feu de bois, ce n’est pas cochon.
B
Serait-il resté pour répondre aux questions des journalopes que Superaper aurait d'emblée déclaré : "Call me Uberwildschwein" (Ishmael, c'est déjà pris).<br /> Un sanglier animé de sentiments humanitaires, c'est contre-nature !<br /> Son monologue intérieur m'a rappelé une autre réussite : celui du *Journal d'un monstre* de Matheson.<br /> La prochaine fois, qu'il laisse la Nesla cramer !<br /> P.S. : L'article ne fait pas vrai : il est trop bien rédigé. ;-)
Répondre
B
@GJG : Pas dit que Superaper était un monstre, seulement que son monologue intérieur rappelait le ton de celui écrit par Matheson !<br /> L'article du Petit-Varois est trop bien composé pour être vrai : avec un gouvernement suisse fourbement européiste, la presse de là-bas doit présenter les mêmes qualités que la presse française. Y'a une pas une seule allusion à la réchauffance de la climatude dans le compte-rendu de l'accident, et pas un mot pour rappeler le caractère parfaitement fiable des bagnoles électriques dont les batteries ne prennent feu qu'en réaction à la montée de la drouate esstrème dans les sondages.<br /> Comment faire peur en un mot ? Surprise !
G
Cher Howard-Phillippe Baiherre (de R'lyeh près de Faramont-les-Deux-Pots), il ne doit pas y avoir beaucoup de sangliers sur votre île et vous devez donc mal connaitre ces animaux qui sont tout sauf des monstres. Ils sont bien au contraire d’excellents artisans en matière de démolitions, de déblaiements et de terrassements plus ou moins zadistes ou anarchistes.<br /> Par ailleurs, si l’article est évidemment imaginaire, le prochain conte du Quanta ne manquera sans doute pas de vous surprendre à cet égard.