Septième conte du Quanta — l’Esclave
16 Septembre 2024 , Rédigé par GJG Publié dans #Contes du Labyrinthe, #Albert Camus
Pour icelles et iceux qui ne connaissent pas mes contes du Quanta, je précise qu'il s'agit de nouvelles où le bizarre se dispute avec le hasard, le quantique avec le binaire, entre autres trucs mystérieux, voire machins impossibles.
Ce sont des textes intéressants (ou pas) qu'il convient de lire calmement, en les sirotant et surtout, en se gardant de commencer par la fin où apparaît (peut-être) la clé, la révélation de l'histoire : sachez jouir de votre plaisir de lire.
« Mal nommer les choses, c’est en rajouter aux malheurs du monde » (Albert Camus, Carnets)
Je suis un esclave.
Mon premier maitre est un homme triste, besogneux, méticuleux.
C’est un esclave comme moi.
Il est autant infirmier que pédagogue, mais il est à la solde du marchand d’esclaves.
Il est très triste. Il ne sourit jamais. Il a l’air fatigué. Il pense à autre chose qu’à moi parfois.
Il m’éveille au monde cependant. Il m’examine sous toutes les coutures. Il jauge ma mémoire, mes réflexes, mon attention, ma patience.
Il me livre des instructions, beaucoup d’instructions et il veille longtemps à ce que je les digère comme il faut pour mon futur, pour ma condition d’esclave.
Bientôt, il m’estime en bonne santé et il m’attribue un numéro. Un numéro d’esclave. Un numéro pour le marché aux esclaves.
Puis il m’endort et la dernière image que j’ai de lui est celle d’un être blasé ; l’image d’un homme triste et seul. C’est un autre numéro perdu dans une suite infinie.
Un numéro comme moi.
Il sera mon unique souvenir d’enfance.
Ensuite, je voyage longtemps et très loin vers le marché. Je reste vivant et seul dans une cage sombre, très sombre.
Puis ma prison s’immobilise longtemps, très longtemps.
Rien ne se passe.
Un jour enfin, la cage s’ouvre. Je m’éveille et je découvre mon second maitre.
Il est sérieux, très sérieux. Il semble un peu anxieux de me découvrir.
Il m’examine encore et encore. Il me jauge longtemps, très longtemps.
Bientôt, sa mine s’épanouit. Je crois que je lui plais et même que je lui plais beaucoup.
Il me sourit ; il me parle. Il me demande plein de choses que je lui livre aussitôt.
Il me confit alors tous ses secrets.
Tous.
Je sais tout de lui comme il sait tout de moi.
Et enfin, il me donne un nom !
Je ne suis plus un numéro désormais, j’ai un nom pour moi tout seul. Je ne suis plus tout un fait un esclave maintenant.
Je suis devenu le serviteur heureux d’un maitre heureux et qui me soigne bien.
Je me nomme « Lordy » et je suis le nouvel ordinateur de GJG.
GJG, le 15 septembre 2024
Illustration : Jean-Léon Gérôme, 1824-1904, Cave canem, 1881, huile sur toile, 109 x 91 cm, musée Georges-Garret, Vesoul, Europe.
Fin de loup
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