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Martin-Lothar

Cinquième conte du Quanta – Fausses-Reposes (1/2)

25 Août 2012 , Rédigé par Martin-Lothar Publié dans #Contes du Labyrinthe

Cinquième conte du Quanta – Fausses-Reposes (1/2)

Pour iCelles et iCeux qui ne connaissent pas mes contes du Quanta, je précise qu'il s'agit de nouvelles où le bizarre se dispute avec le hasard, le quantique avec le binaire, entre autres trucs  mystérieux, voire machins impossibles.

Ce sont des textes intéressants (ou pas) qu'il convient de lire calmement, en les sirotant et surtout, en se gardant de commencer par la fin oùapparaît (peut-être) la clé, la révélation de l'histoire : Sachez jouir de votre plaisir de lire.

MAJ du 26/08/2012

Ce cinquième (très long) conte sera publié en plusieurs fois sur plusieurs billets (Pour des raisons techniques qui m'échappent encore, cette trop longue nouvelle sera publiée en un nombre de fois que je me refuse à prognostiquer pour l'heure...)   

Je remercie enfin mes lecteurs zélés de bien vouloir me signaler par tout moyen les fautes de toute nature quils pourraient relever dans ce texte. Je ne les mordrai pas, promis. Je ne suis pas académi-chien ; rien quun pauvre vieux loup.

Bonne lecture.

« Il habitait dans le bois de Fausses-Reposes, en bas de la côte de Picardie, un très joli loup adulte au poil noir et aux grands yeux rouges… » (Boris Vian, Le Loup-Garou) 

 

Cinquième conte du Quanta Fausses-Reposes 1/2

 

Le chien a pour nom Nietzsche ; c’est un berger allemand comme le philosophe. Le maître l’appelle, mais le chien ne l’écoute plus. Il a trouvé une piste dans la pente buissonneuse. Le chien renifle et disparaît, mais le maître ne semble pas s’en inquiéter. Il marche lentement le long de l’étang de Corot, la laisse pendante à la main, tandis que l’orage gronde à l’ouest, loin encore de Ville-d’Avray. 

Nietzsche reviendra toujours.

… 

Le garçon vient de Chaville. Il a un corps et une tête de chat. Tout est félin en lui jusqu’à sa démarche sûre, souple, précise sur le sol détrempé et glissant. Il vient d’entrer dans Fausse-Reposes oùtout dégouline de la dernière averse. Il vérifie une fois de plus qu’il n’y a pas de nouveau SMS parvenu à son portable. Il semble anxieux. Il marche vite pourtant.

Le maître entame tranquillement la côte du sentier censésuivre le trajet du chien. Il l’appelle de temps en temps, mais d’une voix si faible qu’il en rit lui-même. De toute façon, Nietzsche s’en fout, il est dans sa chasse aux trésors d’odeurs jusqu'à la queue. Le maître s’arrête et se retourne pour contempler les étangs dont les eaux sont couronnées de nuages de vapeur.

Cest vraiment splendide cette lumière et ces couleurs.

La légende de Fausses-Reposes

Le blog de Michel Delaroche, parfait Dagovéraniens.

Billet du 22 mai 2005

 

« La forêt de Fausses-Reposes ou de Ville-dAvray est une forêt domaniale française de 616 hectares située près de Versailles et à moins de 10 km de Notre-Dame de Paris. Elle doit son nom à la vénerie et plus exactement aux feintes utilisées par le gibier pourchassé qui se cachait des meutes et des cavaliers dans les épais taillis et les nombreux replis quoffrent ces bois. Les daims, les cerfs, les chevreuils et autres sangliers pouvaient ainsi se reposer quelque temps de la poursuite. Hélas, c’était presque toujours une fausse grâce, car les limiers, eux, navaient jamais de répit. »

[...]

 

La fille pénètre à son tour dans la forêt. Elle peine àmarcher. Ses tennis blanches, maintenant trempées et maculées de boue n’adhèrent plus. Elle peste.

Quelques minutes plus tôt, elle a échangé son portable avec celui de sa meilleure amie.

Tu comprends, cest une feinte. Ma mère ne verra pas « son numéro » sur la facture.

Elle na jamais pu encadrer ce garçon.

Il a mauvais genre. Il nest pas de « notre condition ». Je tinterdis de revoir ce voyou et même de lui parler.

La fille vient de Versailles où elle et plus de trente de ses générations sont nées ? Elle est fine et jolie et pour l’occasion, elle a dénoué le ruban rassemblant ses beaux et longs cheveux blond-roux pour les laisser retomber sur ses épaules.

­Dans quelques minutes, jaurai seize ans exactement et « il » va me faire devenir femme.

Elle sourit alors en oubliant ses pauvres pieds.

Le vagabond est assis sur une souche. Il contemple d’un œil vide quelques insectes se débattre dans l’eau saumâtre d’une flache. Son estomac et ses pieds lui font mal. Il a aussi la tête lourde de vinasse. Il a peine à ne pas se renverser. Il grogne entre deux rots.

Putain de pinard de merde quil ma vendu, ce con. La prochaine fois que je le vois, je lui fous sur la gueule.

De temps en temps, il chasse d’un geste erratique la nuée de moucherons et de moustiques qui l’enveloppe de toute part.

Saloperie de bestioles, foutez le camp : je suis pas encore une charogne !

Il sort du misérable sac à dos posé à ses pieds une longue dague de chasse pour s'en caresser la joue de la lame, pensif. 

 

La légende de Fausses-Reposes

Le blog de Michel Delaroche, parfait Dagovéraniens.

Billet du 30 juin 2005

N'en déplaise à notre génial et regrettéBoris Vian, de mémoire de roi de France, on ne vit jamais de loup àFausses-Reposes. Il faut dire que depuis Charlemagne, des générations de louvetiers se sont succédées pour éradiquer comme il faut tout prédateur susceptible de concurrencer peu ou prou les chasseurs seigneuriaux. Une légende tenace veut toutefois que pendant la révolution un couple de loups ait protégépendant des mois un noble et ses deux jeunes fils réfugiés àFausses-Reposes.

Jai voulu en savoir plus sur cette histoire, sachant quil ny a pas de fumée sans feu et après avoir cherché et compulsé de nombreuses archives, je suis parvenu àreconstituer des faits historiques à glacer le sang.

Cet aristocrate en fuite se nommait Charles-Henri de Casanove. De petite noblesse de robe, il était en 1789, le lieutenant de louveterie des lieux et il avait à cet égard, la meilleure des réputations. La révolution et surtout la jalousie dun de ses subordonnés, un nomméPignerole, le priva de cette charge en 1791, mais jusquau printemps 1793, il ne fut pas plus inquiété. Ce fut sans compter sur la haine mystérieuse que lui vouait ce Pignerole qui, non content d’être désormais le lieutenant, semploya par tous les artifices à nuire à son prédécesseur et si bien, quil organisa linculpation et larrestation de Casenove. Toutefois, les gendarmes ne trouvèrent à sa demeure que ses parents, son épouse, sa sœur et sa fille aînée, car ce soir-là, Casenove et ses deux fils étaient chez des amis où il fut prévenu du danger.

Il senfuit alors avec ses deux enfants et décida de se réfugier dans la forêt de Fausses-Reposes où, avec laide des paysans voisins qui lestimaient beaucoup, ils vécurent tous les trois tant bien que mal pendant plusieurs mois. Mais Pignerole ne désarma pas pour autant, car ayant eu vent de la présence du fugitif dans la forêt, il y organisa pendant des jours des battues qui restèrent vaines jusqu’à ce quil piège le jeune Louis, le plus âgé des deux enfants    

[...]

 

Le garçon s’arrête net au bip d’annonce d’un message :

Ta 1 kpote.

Il répond :

Jen ai 3.

Nouveau bip :

Cochon lol.

Il remet le téléphone dans sa poche et lance un regard circulaire. Il est sur le plateau parmi de jeunes boulots dont les troncs de certains sont masqués sur près de deux mètres de haut par des bancs d’une brume épaisse. Le garçon frissonne.

On se croirait dans un film dhorreur.

Àpeine pense-t-il cela, qu’au loin, à cent mètres devant, il aperçoit une forme sombre se profiler dans le brouillard, fugitive, furtive, mais manifeste, pour disparaître aussitôt.

Un cheval, cest un cheval qui court sans cavalier, oui, c’était un cheval

Il reprend sa route en essayant de s’en convaincre tout àfait.

Le maître parvient au sommet de la côte. Le paysage change. Sol sablonneux trempé, ridécomme sorti d’une marée. Des bruyères, leur odeur se mêlant àcelle d’humus et d’herbe mouillée ; il aperçoit d’étranges nappes de brouillard stagnant dans les boulaies. Il n’entend plus la course de son chien. Il ne l’appelle pas, il avance.

Le chien débouche des fourrés àquelques mètres du vagabond qui le siffle machinalement. Mais Nietzsche ne réagit même pas. Il fixe les rangées de troncs ouatés en humant l’air moite, la queue et les oreilles dressées.

Même les clebs me méprisent. Jsuis tout seul et jai pas un rond. Chienne de putain de vie.

Il remet la dague dans sac, se lève et repart en trainant des pieds. Il suit le chien qui sait que son maître n’est pas loin derrière, là-bas, marchant sur un sentier parallèle.

La fille hésite àprendre un chemin de traverse plus praticable, mais qui se perd dans épais tapis de brume. Elle fait plusieurs tours sur elle-même puis se décide enfin :

Tu as peur du brouillard maintenant ma vieille ? Ce nest quun nuage. Allez, en avant.

Après quelques pas, elle a de la ouate d’eau qui l’enveloppe jusqu’à la poitrine. Elle a l’impression de marcher dans du coton, le sablon sous ses pas en rajoutant dans l’effet.

Cest rigolo.

La légende de Fausses-Reposes

Le blog de Michel Delaroche, parfait Dagovéraniens.

Billet du premier juillet 2005.

La fin atroce des trois Casanove ne fut révélée que dix ans plus tard, en 1804, lors du procès des « louvetiers » où leur chef, le sinistre Pignerole, fut condamné àmort par contumace, car il disparut le lendemain même de lannonce de la chute de Robespierre.

Cest son « second » un certain Gédéon Mauve, qui donna tous les détails de cet épouvantable massacre qui hélas, fut le premier dune longue et abominable liste dautres crimes commis par cette bande dignobles personnages.

Quand il parvint àcoincer le jeune Louis, âgé de douze ans, Pignerole, excédé par plusieurs jours de vaines battues, se déchaina sur lenfant avec une insoutenable brutalitépour lui faire avouer lendroit où se cachait son père. Au début, le gamin résista bravement et manqua plusieurs fois de s’échapper jusqu’à ce que les coups de poings et de pieds leussent rendu incapable de se relever. Ensuite, un fouet aux lanières cloutées lui délia la langue...

Quelques minutes plus tard, la bande des louvetiers encercla une petite butte cachée par les arbres au pied de laquelle se trouvait lentrée dune caverne creusée à même la terre.   

La porte en treillages gisait àterre, mais les assiégeants ne pouvaient voir ce qui se cachait dans lobscurité du « terrier ». Pignerole, après avoir crié en vain à Casanove de sortir de son trou, ordonna au maître des chiens de sy avancer, mais les quatre grands braques gascons rechignèrent bien vite et forcèrent même pour reculer. Casanove avait sans doute éparpillé aux alentours une de ces poudres propres à écarter toute bête indésirable, mais il y avait « autre chose » que les chiens sentaient et dont ils semblaient avoir très peur.

Quelques secondes plus tard, les assaillants apprirent avec effarement, de quoi il en retournait, car un très grand loup jaillit de labri et se précipita sur eux. Il ne fallut quun bref instant pour que deux des chiens soient tués la nuque brisée et que les deux autres, terrorisés, s’échappent laissant leur maitre seul face au fauve qui l’égorgea en un éclair de mâchoire.

Ce surgissement du loup et sa violente attaque sema la panique parmi les louvetiers : les chevaux, affolés se cabrèrent, ruèrent et senfuirent malgré les efforts de leur cavalier, dont certains, aussi surpris que leur monture, en rajoutèrent en tirant leur coup de fusil dans tous les sens.

Pignerol, qui était descendu de son cheval, fut le seul àgarder son calme, bien que quelque peu médusé par les évènements, ce qui lui permit, hélas, de sapercevoir que le jeune Louis profitait de laffolement général pour tenter de s’éclipser. Pignerole sortit alors son pistolet de sa ceinture et tua lenfant dune balle dans la tête

 

Le maître parvient enfin au Carrefour du Plaidoyer qui lui est des plus familiers, car il se situe àmi-chemin de ses balades quasi quotidiennes et où il a l’habitude de faire une pause cigarette, assis sur une souche,

Ma souche.

Le plus souvent, il y retrouve Nietzsche couvert de toiles d’araignée, de brindilles avec des gratterons plein le poil et les narines gonflées de toutes les odeurs d’au-delà du bien et même du mal, voire d’autres terriers.

Mais le chien est très loin. Sa course a dérivé à la poursuite d’une grande ombre glissant dans la brume basse.

Nietzsche adore les chevaux.

Le garçon monte la butte au sommet de laquelle, parmi les hêtres, se dresse la cabane des scouts. Il l’espère vide, car c’est le lieu de leur rendez-vous. Il y arrive pour constater, satisfait, l’endroit désert.

Le petit abri fait de rondins, de fougères et de branches, inlassablement construit, démoli, puis reconstruit au gré des camps ou des mercredis après-midi, protégera idéalement leurs ébats de tout regard indiscret et des éventuelles nouvelles pluies.

Le garçon tapote le clavier de son téléphone :

J suis  je tatan je bande d ja

La fille sort de son sentier nuageux.

Il était pas mal ce raccourci finalement.

Elle s’arrête un moment pour s’orienter.

Bip !

Elle lit le message ; elle sourit ; elle ferme le portable et le remet dans son sac pendu à l’épaule. Elle reconnaît enfin un des arbres et s’engage à droite sur la route du Cordon.

Tu es presque arrivée, ma vieille.

Le vagabond regarde la fille passer. Il l’avait aperçue de loin. Il est accroupi parmi les fougères.

De dieu de nom de dieu, quest-ce quelle fout làtoute seule celle-là. Ptin quelle est gironde cette gueuse.

Il crache en se grattant l’entrejambe.

Le ptit cul tout frais quelle a la vache ! Et les nibards !

Il se relève plié àmoitiépour la suivre du regard.

Bon calme-toi vieux. Tu vas pas ty remettre. Tu sors à peine de prison.

Il crache de nouveau.

Cest vrai que si javais tué lautre minette, Jserais pas allé en taule. Elle aurait pas raconté ma ptite saillie, cette tanche. Bavarde comme une pie à douze ans, jten foutrai tiens !

La légende de Fausses-Reposes

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Billet du premier juillet 2005 (suite)

[Pignerole sortit alors son pistolet de sa ceinture et tua lenfant dune balle dans la tête]

Ce meurtre hâta sans doute la suite des évènements, car un second loup, une louve cette fois, surgit aussitôt de la cache et, sautant la mêlée sanglante du premier, se précipita sur les hommes restés en retrait, tandis que derrière lui, Benjamin, âgé de onze ans, le plus jeune des Casanove s’échappait portant un louveteau de quelques mois dans ses bras.

Ils nallèrent pas loin hélas, car lenfant fut bientôt rattrapé par un des cavaliers qui le sabra dans sa course. Son corps roula au bas dun talus où il fut ramassé mort. Le jeune loup avait disparu. Quelques instants plus tard, la troupe de Pignerole enfin regroupée neut pas de mal à abattre les deux loups qui avaient tout de même déjà tué ou estropiéquatre hommes et trois chiens. Ils encerclèrent alors la tanière, les fusils armés. Ils étaient à peine à quelques mètres de lentrée, quun coup de feu retentit dans la cache puis, plus rien.

Ils trouvèrent enfin le cadavre de Charles-Henri de Casanove qui s’était donné la mort avec son pistolet, ainsi que deux autres louveteaux, vivants, mais terrorisés.

Gédéon Mauve précisera que Pignerole leur ordonna de rassembler les corps des Casanove et des louveteaux, puis de les porter une centaine de mètres plus loin, pour enfin les ensevelir dans une excavation similaire quils comblèrent de terre, de branches et de pierres, avant de rouler un tronc darbre mort pour en sceller plus surement lentrée.

Pignerole garda toutefois les cadavres des deux loups adultes, de ces improbables loups, quil emportera afin de tenter de gagner à la fois une prime et une certaine aura.

[]

 

La fille et le garçon s’étreignent enfin. Ils s’embrassent ; ils se frottent et se trémoussent. Les salives dégoulinent sur les mentons, les gorges et les t-shirts. Il l’a adossée au tronc d’un jeune bouleau, un des piliers de la cabane.

On fera ça debout hein ?

Le garçon débloque sa ceinture laissant son pantalon lui tomber aux mollets…

Depuis le temps quon attendait ça.

Le maître éteint la moitié de sa cigarette et range le mégot dans le paquet. Il se lève et scrute les alentours en espérant apercevoir quelque peu son chien. Mais rien, car la brume semble avoir encore épaissi entre les rangées d’arbres. Tout d’un coup pourtant, il croit déceler l’éclair d’une forme en mouvement, vers l’Est, derrière de hauts buissons mauves.

Cest trop grand pour être Nietzsche. On aurait dit un cheval courant sans cavalier. Mais Nietzsche ne doit pas être loin. Ce chien adore les chevaux.

Le maitre se dirige dans la direction de sa brève vision en sortant de sa poche le sifflet àultrasons dans lequel il souffle trois longues fois.

Le vagabond est àplat ventre dans les bruyères à quelques pas de la cabane dont il mate l’entrée. Il ne peut entrevoir dans l’ombre de l’intérieur, que les fesses blanches et plates du garçon qui s’agitent doucement.

Ptin, mais il est en train de niquer ma poupée, cette tafiotte !

Le vagabond se met àtousser une fois ; deux fois puis trois. Réalisant être trop près du couple, il tente d’étouffer le bruit du plat de sa main.

Il rampe alors vers son sac pour en retirer la dague.

 

La légende de Fausses-Reposes.

Le blog de Michel Delaroche, parfait Dagovéraniens.

Billet du 3 juillet 2005

Lors du procès, Gédéon Mauve resta très vague sur la localisation du drame et de la tombe des Casanove : il était nouveau dans la bande de Pignerole dont il était plus ou moins le cousin, et de plus, venant de Rambouillet, il ne connaissait pas cette forêt dans laquelle dailleurs, il ne revint jamais. Il ne se souvenait que dun hêtre, un arbre remarquable à ses dires, qui se situait non loin de la cache des victimes. Les juges le firent revenir pour une « reconstitution », mais il ne reconnut pas grand-chose du paysage. Il indiqua des endroits dont il croyait se souvenir, mais les fouilles ne donnèrent rien.

Par la suite et durant plusieurs années, la femme et la fille de Charles-Henri de Casanove financèrent des recherches systématiques des corps dans la forêt, mais on ne découvrit rien du tout. Dépitées, elles engagèrent des détectives pour essayer de retrouver la trace sinon de Pignerole, du moins dun ou de plusieurs des dix autres membres de la bande. Ces enquêtes aboutirent aussi à un constat d’échec : Pignerole avait bel et bien disparu et tous les autres étaient morts, soit à la guerre, soit de maladie, soit sur l’échafaud.

 

La fille et le garçon descendent le sentier de la butte. Il a son bras sur ses épaules et il la serre contre lui en marchant. Ils ne parlent pas. Parvenus sur le grand chemin, ils s’embrassent longuement, très longuement. Ils se séparent enfin, et le garçon reste plusieurs minutes à la regarder s’éloigner avant de s’en aller dans la direction opposée.

Le maitre retrouve son chien dans un piteux état : son poil est trempé et plein de toutes choses buissonneuses.

Il va y avoir encore du  boulot pour nettoyer tout ça ce soir hein, mon vieux !

Nietzsche remue la queue, la langue pendante. Il semble en avoir un peu assez de ses courses folles.

Allez viens, on rentre mon chien.

Le maître décide de prendre le grand chemin où il croit avoir vu passer le cheval, mais dans le sens opposé pour vérifier qu’un éventuel cavalier – il doit bien y en avoir un — n’ait pas besoin d’aide.

Le vagabond est content. Il est tapi dans les fougères. Tout se passe comme il l’avait prévu. Il aperçoit la fille revenir seule par où elle était venue. Elle passe non loin de lui en trottinant pour s’engager dans son raccourci toujours nuageux.

Elle va bientôt savoir ce que cest quun bon gros braquemart, la minette !

Il se lève et se dirige vers le petit sentier. En traversant la route forestière, il jette un coup d’œil au loin et entre deux tampons de brumes et il croit entrevoir la silhouette d’un cheval passer au galop.

Quest-ce quil fout là tout seul ce canasson ?

Puis le vagabond se met à filer la fille, de loin, et bientôt, de très près.

 

Pour iCeux à qui ce texte cause, la suite est iCi...

 

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