Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Martin-Lothar

Quantique du chiasme

30 Septembre 2024 , Rédigé par GJG Publié dans #Le Dico, #Quantisme, #Raymond Queneau

Quantique du chiasme

À Gibulène, le petit escargot

« Les foules se massent là où les masses se défoulent. » 
(GJG, blog Martin-Lothar, Rune n° 4 du 1er juin 2005)
 

Frères humains qui avec moi aimez jouer avec les mots, en vérité je vous le dis, adoptez un chiasme. 
C’est propre, c’est joli, c’est rigolo, ce n’est pas cher et ça ne mange pas de pain.
Bon d’accord, c’est un bien vilain mot qui semble commencer par « chiasse » et se termine par « asthme », mais en fait, il doit se prononcer dans tous les cas avec  le « K » de « kiosque » et non pas avec le « ch » de « chelou ».
Parce que le chiasme est souvent très musical et n’a rien de louche dans la bouche : c’est un mot vilain pour des bons mots, comme c’est une bonne chose pour les choses belles.
Certes, on peut utiliser ce mot pour maudire un jean-foutre, mais traiter un paltoquet de « chiasme » n’a pas l’apanage ni l’avantage de « l’anacoluthe » haddokienne dont je vous ai déjà entretenu. 
Le chiasme est une figure de style et naguère, dans les classes de rhétorique des lycées, le chiasme c’était vraiment la classe dans le lissé rhétorique.
Du reste comme le mot « lycée », le mot « chiasme » est allé dans sa jeunesse se faire voir chez les Grecs. Il vient en effet du mot « khiasmós » issu de la lettre grecque « khi » (X) et signifie des mots ou des phrases disposés en croix, en opposition, en inversion, pour établir une sorte de parallélisme ou évoquer une antithèse, une opposition et ce, plus généralement sur le modèle, la fonction « AB <=> BA »
Le chiasme est donc une sorte de disposition « en miroir » de mots et/ou de phrases.
Exemples : 
« Il faut manger pour vivre et non pas vivre pour manger. » (Molière).
Ou encore :
« En temps de paix, les enfants enterrent leurs parents. En temps de guerre, les parents enterrent leurs enfants. » (Hérodote).


Comme on le voit, le chiasme claque dans le discours. Il surprend ; il interroge ; il fout parfois un vertige pas possible à tous vos neurones dans une « pensée en abime »
Ce chiasme est cher aux grands orateurs classieux, aux poètes épiques, aux humoristes de l’absurde comme aux aphoristes distingués.
Victor Hugo, notre Totor national, fut une véritable usine à chiasmes. On ne les compte plus dans sa « Légende des Siècles ». 
« Un roi chantait en bas, en haut mourait un dieu. »
Le chiasme est quantique en diable et le dieu des jeux de mots. C’est le sceptre du philosophe-roi et du roi-philosophe.
Il peut se faire dans tous les arts : en musique, en peinture, en architecture et on se douterait bien que quelques pataphysiciens tels Queneau ou Perec en ont usé toutes les ficelles pour des essais ou des romans.


On pourrait demander à nos pauvres et trop chers politiciens d’aujourd’hui d’user plus souvent du chiasme dans leurs discours. Cela les rendrait peut-être plus intéressants et ce serait enfin pour eux plus adroit (ou moins gauche), surtout au centre du débat dont ils s’écartent souvent, voire toujours.
Cela étant, les chiasmes leur demanderaient de creuser des choses encore plus creuses qu’eux-mêmes et dont personne ne se soucie. À quoi bon ?
Cicéron, reviens !
On t’aime le chiasme, reste avec nous.

Illustration : Giovanni BELLINI, 1426-1516, Jeune femme devant un miroir, 1515, huile sur toile, 62 x 79 cm, Kunsthistorisches Museum, Vienna, Europe.

P.S. : défi à moi-même et à mes lecteurs : faire un iCul 2.0 (octotsyllabique) en forme de chiasme.

Fin de loup

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
C
J'utilise peut-être mal votre blog mais je ne peux pas répondre à votre réponse, seulement faire un commentaire général. C'est bizarre comme modèle.<br /> <br /> *****<br /> Hélas l'alte Pinakotek de Munich, un des plus riches musées de la planète en chefs-d'œuvre, est incapable de reproduire quoi que ce soit sur son site. La honte de la Bavière ! On est réduit à des reproductions catastrophiques, mais il me semble cependant que c'est un miroir. <br /> https://www.flickr.com/photos/mazanto/49514857178/in/photostream/<br /> <br /> Le rideau bleu à gauche se reflète sur la fine bande du bord gauche du miroir.<br /> Le ruban rose en haut se reflète assez gauchement mais montre, avec ses reflets bien plus bas, que le peintre était assis avec le regard au niveau du coude de la dame (le coude gauche et son reflet sont à la même hauteur), et plus on monte vers le visage plus le décalage perspectif est important, ce qui est cohérent. <br /> Le dos de la main gauche posée sur la hanche serait sans doute moins visible en réalité, comme la main droite qui devrait être cachée sous le bord du miroir, mais on va voir pourquoi.<br /> Les plumes et le béret sont assez cohérents mais le visage (et peut-être toute l'image du miroir) a manifestement été mis en place dans une autre séance, sa perspective cloche, comme si le peintre, assis pour la pose du personnage de dos, s'était levé de son siège pour réaliser le reflet du visage, qui aurait dû être vu plus en contreplongée. Mais c'eût été moins esthétique.<br /> Et puis le musée dit que c'est une femme devant un miroir. Il faut le croire sur parole. Ou faire un saut en Bavière (avec le risque que le tableau soit dans les réserves).
Répondre
G
Merci beaucoup Costar, pour cette experte réponse !
C
Vous avez raison, c'est un autre monde que Dodgson décrit de l'autre côté du miroir, qui ne ressemble que de très loin au monde qu'il fait semblant de refléter. Ça n'était pas très pertinent de l'invoquer dans ma remarque. Je me souviens cependant qu'une fois de l'autre côté Alice ne peut lire les écrits que par leur reflet dans le miroir. Une petite concession de l'auteur à la réalité.<br /> Allez, pour me faire pardonner voici quelques exemples de peintres aux tendances chiasmatiques indéniables : https://ostarc.blogspot.com/2018/08/autoportraits-et-poursuite-du-vent.html
Répondre
G
Costar : je me souviens de ce billet remarquable de 2018 (comme le temps passe à passer le temps !). Je viens de le chiasmer…<br /> Pour illustrer mon billet sur le chiasme, j’ai hésité entre le tableau de Bellini (dont la jolie femme peut bien envoyer l’affreuse Joconde aux oubliettes) et un étrange tableau de 1670 de Frans van Mieris l’Ancien : « Femme devant un miroir » où le reflet n’est pas « exactement » le modèle. Mais est-ce un miroir ou un autre tableau ? Le lien : https://www.wga.hu/art/m/mieris/frans/woman_mi.jpg
C
Mais alors, professeur, loin de prétendre remettre en cause votre enseignement, je m'interroge néanmoins.<br /> S'il doit y avoir "opposition" entre les deux phrases ou images symétriques, inversées, est-ce que la métaphore du miroir est réellement pertinente ? Est-ce que le reflet dans un miroir, malgré ce que prétend le déviant Charles Dodgson, inverse réellement le sens (la signification) d'une image ? Il en montre un autre angle mais j'ai l'impression qu'on serait choqué qu'il en modifie le sens.<br /> Cependant vous précisez bien (comme le CNRTL d'ailleurs) que le reflet peut être une opposition mais peut aussi n'être qu'un simple parallèle, donc une similarité, une équivalence, sans changement de signification.<br /> <br /> Alors peut-être pourrait-on préciser que le chiasme est nécessairement un miroir mais qu'il peut-être infidèle, voire menteur, et qu'on le préfère même perfide, parce qu'en littérature on aime ces vertiges qui soufflent au loin l'ennui ?<br /> <br /> Bon c'est peut-être une remarque inutile.<br /> Signé Le chipoteur (qui ne se prononce pas Kipoteur)
Répondre
G
Vous chipotez avec talent, cher Costar. Comme quoi, nous pouvons avoir chacun notre conception et notre utilité du chiasme dont la structure n’est pas académique heureusement.<br /> Quant au miroir… Vaste sujet !<br /> Mais un mauvais miroir nous fait plus réfléchir qu’un miroir qui nous réfléchit bien. (Chiasme !)<br /> Il faut que je relise les miroirs d’Alice, car dans mon souvenir les deux côtés (mondes) ne sont pas franchement parallèles, ni opposés, ni séparés ni même contraires. C’est un tout. C’est un conte chiasmique ! Comme Peter Pan.<br /> Vous me faites retourner à la chasse au jabberwocky (ou au snark) avec Louis-Charles Dobson ! Il n’est pas certain qu’on puisse capturer ces bestioles avec des chiasmes. Faut voir…