Quantique du « on »
Dans un billet du 30 juillet dernier (en lien en fin de note, mais pas tout de suite parce que je cause-là) la toujours excellente Berthoise (en lien aussi à droite, pub) exprima ses très légitimes angoisses métaphysiques sur le pronom « on » et ses accords grammaticaux consécutifs.
Elle proposa même de marquer du pluriel le ou les adjectifs qualifiant « on » quand ce pronom cachait plusieurs personnes.
Exemple : Ecrire « on est cons » au lieu de l’académique « on est con »
Il est vrai que la grammaire française a des artifices parfois rigides, souvent incohérents car obsolètes comme elle comporte des fondamentaux qui relèvent plus de la philosophie que de l’art de manier notre belle langue qui n’en finit plus de se chercher, de survivre (ou de se perdre) dans le vaste monde mouvant et vibrant où « l’on » fait souvent semblant de penser voire de vivre.
Il est vrai aussi que si le « on » peut désigner un pluriel, il n’en demeure pas moins très singulier du point de vue de la grammaire comme de l’intellect.
Singulier et plural à la fois, indéterminé et indéterminable, venant de l’étranger, mais typiquement français, toujours particulier.
Le « on » est surtout, et avant tout quantique !
Notre grammaire le veut exclusivement singulier même s’il désigne des milliards d’abrutis : En fait, le « on » est un seul et même ensemble dont le nombre d’éléments varie du zéro à l’infini (un infini plus souvent négatif que positif d’ailleurs dans la mesure où l’on voue généralement ces éléments aux gémonies de l’oublie ou de l’opprobre)
Sous le masque du « on » les personnes désignées, visées voire accusées sont toujours des êtres humains (homo sapiens sapionce) de tout sexe, âge, conditions, poil, même si parfois on les compte pour des bêtes.
Ainsi, un berger ne dira jamais : « On a tué mon mouton » mais : « Cette saloperie de loup a tué mon mouton »
D’ailleurs, ce mot « on » vient du Latin « homo » (homme) qui se transforma en vieux français en « Hom » puis en « Om » et finalement en « On » à partir du siècle n° XIII.
A l’origine, son vrai sens était : « Un homme, quelqu’un, un quidam » parfaitement inconnu, indéterminé et vaguement indéterminable en plus.
Notre « on » est désormais trop souvent assimilé au « nous » :
« Hier, on est allé aux Chepams. On s’est bien frittés la gueule avec ces pédés d’enculés du 9-3 » entendons-nous ou disons-nous bien de fois.
Alors que la phrase grammaticalement correcte est évidemment :
« Hier, nous sommes allé sur les Champs-Elysées. Nous en avons décousu profusément avec ces Messieurs de la Seine-Saint-Denis »
Toutefois, dans le « on » on ne peut pas déterminer ou reconnaître qui que ce soit : Il est un peu le « X » de la plainte, l’inconnue d’une malheureuse équation, la variable d’une impossible fonction différentielle.
A peine pourrions-nous utiliser le « on » pour désigner la société, la nation, l’humanité, ou encore les pratiquants de coutume : « Ici, on fait ceci ou cela »
Le « on » est un parfait anonyme et parfois, sinon toujours, il fait peur…
En fait, ce « on » se confond intellectuellement car il est à la charnière du pluriel et du singulier dans la liste des pronoms :
Je, tu (vous), il, on, nous, vous (tu), ils (on)
Ainsi le grand César (celui de Brutus, pas de Pagnol), quand il écrivait « il a foutu la pâtée aux Gaulois » voulait signifier « on » et non pas « je » contrairement à ce que l’on pense et ce, d’une part parce qu’il ne parlait pas un traître mot de français (ce con) mais d’autre part, par habilité politique et diplomatique.
De même, le dernier vrai grand roi du monde, Louis n° 14, disait « nous » (qui englobe, le roi, l’état et ses imbéciles de conseillers) au lieu de « je » (trop commun) ou encore « on » (trop impersonnel) surtout en parlant des bêtises les plus débiles comme la révocation d’un édit de son pépé (par exemple, au hasard)
Cela état, cette assimilation du « on » au « nous » est parfois plus ambiguë : En disant ou en écrivant « on » pour « nous » le locuteur ou le scripteur fait intentionnellement ou non, soit une association soit une dissociation avec les autres personnes composant ce nous.
L’exemple le plus courant d’association est celui du supporter de foot qui, à la fin du match, hurle en rotant sa bière : « On a gagné ; on a gagné ! » alors qu’il n’a rien fait de spécial (à part vider des canettes) pour emporter la partie.
Par contre, il ne dira que très rarement : « On a perdu » mais plus volontiers : « Ils ont perdu ces nuls à chier de bâtards de mes deux ! »
On voit par là que le « on » est plus quantique tu meurs à poil devant chez Benett(on).
Je me demande enfin, si ce « on » n’est pas le pluriel moderne, voire techno grave de notre irrésistible et psychologique « ego » (émoi, et moi) mais ce sera le sujet d’une autre rélexi(on) et d’un autre billet.
CF : Le billet de Dame Berthoise.