Amabit
10 Décembre 2006 , Rédigé par Martin-Lothar Publié dans #Le Dico
Je ne sais pas si le latin s’enseigne encore dès la sixième ou autre classe de
préados goguenards ou pas.
L’étude du futur simple peut être un moment de franche rigolade ou de malaise gêné surtout s’il s’agit du verbe « aimer »
Ça donne ça en effet : J’aimerai (amabo) ; tu aimeras (amabis) ; il aimera (amabit)
« Ah ma bitte ! »
Généralement, il y a un petit quart d’heure de mouvements divers dans la salle qui se renouvelle quand on aborde la forme passive du même futur et de la même personne : Il sera aimé
(amabitur)
« Ah ma biture !»
Vous noterez que j’ai écrit le mot « bitte » avec deux « t », mais comme Véro (qui se balade) le signalait fort savamment dans un commentaire de ma note d’hier, ce mot peut aussi s’écrire
avec un seul « t »
Mais bon, le mot « bitte » écrit avec deux « t » est plus long ce qui peut satisfaire quelque vanité mal placée hein !
La bitte est dans sa première acceptation un billot de bois ou de fonte, à tête renflée et fixé sur le pont des navires, le plus souvent par paires, autour duquel les amarres sont enroulées.
Notre bon Victor n’a pas manqué de l’employer à bon escient, pour une fois : « Arbre du gouvernail rompu, les drosses déclouées, les pavois rasés, les bittes emportées, le traversin détruit,
la lisse enlevée, l'étambot cassé. C'était toute la dévastation frénétique de la tempête. » Victor Hugo, Les Travailleurs de la mer.
On pourrait sortir cette phrase pleine de traversin, de bittes et autres mots étant beaux de son contexte.
La bitte est donc marine et salée au départ, elle sentait les haleines océanes et le poisson et sa racine est le mot scandinave plus
ou moins viking « biti » que l’on trouvait certainement sur les drakkars.
C’est vrai que les vikings qui furent de
très grands marins savaient se servir de leur bitte par tous les vents, par tous les temps et pas toujours sur leur bateau ; toute l’histoire de la Normandie en témoigne
encore.
Ce mot de « biti » pouvait être pris au sens figuré et signifiait alors « saisir », « accrocher », «
amarrer, attacher », « mordre » (CF le mot anglais to bite) puis enfin « comprendre »
D’où les deux expressions
françaises « Se faire bitter » (se faire prendre) et « ne pas bitter quoique ce soit » (ne pas comprendre)
Les marins et autres loups des mers étant loin d’être des enfants de chœur, le sens de ce mot n’a pas manqué par la forme de l’équipement d’être « étiré » pour désigner le sexe masculin : Le
pénis, la verge, le zizi, la pine, le braquemart et compagnie dont ils se servaient allégrement dans tous les ports bien fréquentés avant ou après s’être pris une bonne biture des
familles.
La bitte sert donc à s’amarrer comme à se marrer entre deux marées.
Le substantif et parfois substantiel « braquemart » aurait été emprunté au mot néerlandais « breecmes » (couperet, sarcloir, serpe)
Le mot « biture, bitture » qui vient probablement du « biti » mentionné plus haut désigne également un équipement de bateau : c’est une partie
d'une chaîne élongée sur le pont, filant librement avec l'ancre lors du mouillage.
« Prendre une bonne biture »
signifiait prendre une longueur suffisante de ce câble pour mouiller l’ancre et par extension ça devint la promesse d’une bonne virée terrestre pleine de débauche, de bombances et de
ripailles.
Le mot allemand Bitte veut dire « s’il vous plait » : Avec grand plaisir, oh oui
!
Enfin, la bitte a engendré le vieux mot « bitard » qui serait un grade dans certaines confréries estudiantines vouées à Maître François Rabelais : Soit le premier échelon (novice ou bizut) soit
le deuxième, c’est-à-dire un étudiant ou un collégien de deuxième année.
Dans les collèges, écoles et autres pensionnats
d’antan, le bitard était aussi le bourreau zélé du malheureux bizut à qui, un soir pluvieux de septembre, il passait la bitte au cirage, à la graisse, à la confiture ou autre substance collante
ou poisseuse pour lui apprendre à être nouveau et bézu (niais).
Et notre pauvre bizut s’écriera : « Ah ma bitte ! » et il
aimera ou pas.
Voilà, ce soir je vous aurais sorti ma bitte ; je l’aurais prise par la racine et je l’aurais agitée dans tous les sens et à tous les vents.
J’espère que cette note n’est pas imbittable hein ! car c’est vrai, il y a de quoi en perdre son latin et jeter sa gourme.
Fin de loup
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