Les mille et une voies du loup 2/2
Pour aller dans la cité des hommes, le loup « emprunte » (mais il les rend
toujours, hein) mille et une voies de noms différents :
Au sortir de ma tanière, par la voie d’une trouée des fourrés, une passe débouche sur un layon qui s’élargit en sente
puis en sentier.
La « voie » française vient tout droit de la « via » latine qui a traversé tous les pays et toutes les langues.
Le mot « layon » est un terme de chasse ou de vénerie désignant une voie tracée par le
chasseur toute droite dans les taillis, un peu comme celle de Madame Sanglier, née Mademoiselle « Laie ».
La «
sente » et le « sentier » sont des mots d’origine obscure : Via le Latin « semitarius »
(sentier, chemin) d’aucuns affirment qu’un Arabe « samata » serait dans le coup. D’autres disent aussi qu’il serait parent du mot « chantier » que l’on trouvait dans le Dauphiné sous le nom de «
chentier » fils de « champ », mais bon !
Le sentier croise une piste qui au sortir de la jungle dit s’appeler désormais chemin, route, autoroute, rocade et
viaduc.
La « piste » arrive toute droite du Latin « pistus » (battu, foulé, frayé).
Le mot « chemin » qui est sans doute un des mots les plus utilisés par notre bonne langue
française vient des Celtes de l’Est avec leur « kymri » ou « cam » (un pas, aller, marcher) qui l’ont traîné dans toute l’Europe de l’Espagne (camino) à l’Italie (cammino) en passant
par la Bretagne (kamm) le Pays de Galle (cam) jusqu’à l’Irlande ou autre Grand Ouest (ceim)
La « route » (comme la rue) serait elle aussi celtique venant de « rid, rit, ryt ou rod » (chemin, voie,
route) et a produit le mot anglais « road »
La rocade vient
curieusement du terme d’échec « roquer » qui est un déplacement stratégique du roi pendant ce jeu.
Le « viaduc » qui est à la fois pont et chaussée est construit de « via » (Voir plus haut) et du verbe latin « ducere » (conduite, mener). Ce verbe a
d’ailleurs donné « duc, archiduc, duché, conduire, conducteur et autre duce en chef »
La route s’orne d’arbres et de lumières ; et devient avenue royale ou princière pour entrer dans la cité où elle
croise aussitôt un boulevard.
Le terme « avenue » est romain (ad venir : Qui va vers...) et il a longtemps été le frère de « avenir » pour de nombreux courtisans ou autres
« Rubempré »
Quant au « boulevard » qui n’est autre qu’une large voie faisant tout le tour de la cité, il est militaire en diable car il vient de
l’Allemand « Bollwerk » (défense, fortification, rempart) et est composé de « werk » (ouvrage) et « bollen » (lancer des boulets ou autres missiles plus ou moins mortels sur la gueule des
étrangers de tout poil)
D’ailleurs, une série de boulevards (dits des Maréchaux) font le tour complet de Paris et portent le nom de Maréchaux français de tous les temps.
C’est surtout le terre-plein où étaient les remparts ou les bastions des villes qui, une fois ruinés, laissèrent le champ libre aux citadins pour se balader en faisant le tour de leur
ville.
Sur ces boulevards que souvent se dressaient aussi les « barricades » mystérieuses ou pas (1)
Il y a cependant encore dispute sur l’origine de ce mot : Les uns y voient un composé de « bouler » (tourner, rouler) et de « weg » (chemin) bref, un chemin de ronde quand d’autres, notamment
Voltaire, y verraient une place de verdure (verte) où l’on jouait aux boules !
Passé le boulevard, l’avenue traverse bientôt le cours, puis le mail et se disperse alors en plusieurs rues bordées de contre-allées ombrageuses dont la chaussée est souvent pavée.
Le « cours » est un lieu de promenade en dehors ou en périphérie d’une ville et il vient de « courir » sans en être essoufflé d’ailleurs. Le
cours de Vincennes et de Hyde Park à Londres sont très fameux.
Le « mail » n’a rien à voir avec l’Internet hein ! Il vient du maillet servant à jouer à ce jeu (du mail) qui est l’ancêtre du croquet et
plus loin, le descendant du Latin « malleus » (marteau) Je ne sais pas s’il fallait être un peu frappé aussi pour jouer à ça, mais de nos jours, on trouve plus fréquemment des marteau-piqueurs
sur le mail.
Les mots « rue » et « ruelle » ont la même étymologie que la route (voir l’épisode 1).
Je ne m’étendrai pas sur « l’allée », mais je me poserai un cul à même la « chaussée » qui n’a rien à voire avec la chaux, mais avec les
chausses qui étaient à la fois des chaussures, des chaussettes et le cas échéant une culotte.
On foulait des pieds (avec ses chausses) la surface pour la tasser et l’aplanir et lui permettre d’accueillir le pavement ou autre revêtement.
Bien que l’on rencontre souvent la « maréchaussée » sur la chaussée, ces deux mots n’ont aucun cousinage : Le premier vient du mot allemand «
mariskalk » de « marah » (cheval) et « scalc » (serviteur ou soignant). Le Celtique a aussi « march » (cheval) qui est passé sans doute au Latin « marescalcus » le maréchal-ferrant qui était un
domestique à l’origine.
Ce mot « maréchal » est alors monté en grade : Il passa de maréchal des logis (l’équivalent du sergent dans la Gendarmerie et le train des
équipages – ou « tringlots ») à maréchal de camp puis à Maréchal de France qui parfois « pète un » plomb sur les boulevards de l’Histoire.
Il a donné aussi le mot « marshal » qui est une sorte de super sheriff étasuniens à pétards et à dada.
Je précise qu’en France le maréchalat est un titre et non un grade et qu’un simple soldat peut devenir maréchal de France à six étoiles (pas au Michelin hein !) sans être général comme un simple
prêtre peut se voir cardinal (et pape) sans être évêque d’aucun bled, même « in partibus »
D’accords, c’est rare, mais les voies du saigneur comme du Seigneur sont impénétrables !
Certaines rues et ruelles se révèlent des impasses quand d’autres se restreignent en galerie, passage, couloir, coursive, venelle, promenoir, déambulatoire, traverse, traboule ou
charmille.
La galerie est là où on gâlait ; où l’on badaudait et se régalait dans les échoppes ou autres estaminets à l’abri des intempéries ; un
peu comme les passages parisiens qui relient encore les « grands boulevards » (Passage Richelieu ou du Havre).
La « venelle » serait une déformation de « ruelle » bien qu’une légende bourguignonne l’attribuerait à une rivière du coin.
La « traboule » est lyonnaise en diable bien sûr et ce mot est formé du latin « trans » (à travers) et du tudesque gaulois « bouler »
(rouler, tourner)
La « charmille » désigne toute allée bordée de végétaux que ce soit charmant des charmes ou pas.
Voilà, j’ai dû oublier bien des voies que le loup pourrait emprunter pour aller regarder vivre ou passer ce curieux peuple des humains.
Vous devez en connaître d’autres hein !
Alors n’hésitez pas à me les signaler par commentaire !
(1) Les « barricades mystérieuses » est le titre d’une courte et sublime pièce de clavecin composée par François Couperin (J’en reparlerai)
Fin de loup