Le sanglier du monde
19 Décembre 2007 , Rédigé par Martin-Lothar Publié dans #Bestiaire
Le soldat doit avoir assaut de lévrier, fuite de loup, défense de sanglier. (Montluc)
Les chiens et les sangliers n'ont pas la même odeur (Plaute)
A cane non magno saepe tenetur aper (Souvent le sanglier est arrêté par le petit chien, Ovide, Remèdes à l'amour)
J’ai appris ce matin en lisant ce journal gratos qui se lit en 20 minutes, qu’un
sanglier traqué par une chasse justifiée ou pas s’était réfugié dimanche dernier dans une école élémentaire de Berg, en Alsace.
Il serait entré je ne
sais comment dans une des classes – il en avait sans doute la clé – qu’il a saccagé de fond en comble à coups de hure, comme savent le faire tous les énergumènes de son espèce (les Suidés) quand
ils ne sont pas contents du tout, mais alors pas contents du tout.
Que venait faire cette bête sauvage dans ce lieu de civilisation : Apprendre à
écrire pour rédiger son testament ?
Seul Esus, le dieu des bois, des eaux et des forêts pourrait nous le dire.
Le sanglier (Sus scrofa ferus, pour les intimes septentrionaux) est un animal quantique, écologique, mythique, symbolique et solitaire.
Le sanglier
est indispensable aux loups et aux hommes libres qu’il a fuis, nourris, habillés, brossés ou coiffés de sa race et de tout son corps depuis la nuit de l’Europe.
Il peut très chiant parfois aussi, car à l’instar de ses descendants, les porcs des villes (Sus scrofa domesticus) le sanglier au fil du temps a toujours gardé sa tête de
cochon légendaire (et gastronomique, toutefois) ; ce qui est quelque peu normal, vu que c’est un animal sauvage en diable et en forêt.
La grande
forêt des Gaules notamment qu’il hantait et fouissait tant qu’il pouvait et dans laquelle il creusa des milliers de ses baignoires bien à lui, les souilles ou les bauges, où il prenait des bains
de boue hygiéniques, salvateurs et réparateurs.
Notre sanglier est un grand omnivore devant l’éternel, mangeur de tout, mais surtout de champignons (truffes), glands, faînes, châtaignes, baies, graines pousses, racines, vers, larves,
champignon, petits rongeurs en charogne ou pas et autres tubercules qu’il déterre ou cueille surtout la nuit – car notre ami est un grand voyageur nocturne.
Le jour, il se terre dans les taillis, vieux solitaire ou avec sa harde de jeunesse et couvre ainsi sa peau poilue (soies) d’un tas de saloperies (tiques, parasites)
ou au contraire, plein de bonnes choses (graines, pollens) que la nuit venue, il s’empressera de semer à tous vents dans un rayon de plusieurs dizaines de kilomètres.
Le sanglier, tout compte fait, est donc un honnête laboureur qui aère et régénère l’espace némoral et autres terres matrices et c’est un remarquable et nécessaire semeur
de la diversité.
Si tout est bon dans le cochon, tout est lié dans le sanglier.
Bon d’accord, quand il
se met à jardiner la nuit sur votre terrain, votre café du matin est certes très amer, mais le sanglier fut quand même sanglier bien avant que l’homme n’ait eu l’idée de fabriquer des nains de
jardin hein !
S’il est gibier de venaison ou de meute, notre porc antique sait tout aussi bien se faire angélique ou diabolique.
Le sanglier fut en effet un animal
sacré pour les Celtes de tout poil et s’il n’a jamais vraiment été déifié ou qu’aucun dieu, même Esus le Sylvestre, n’ait jamais pris sa forme, le sanglier était l’attribut ou l’emblème de tout
bon druide, ermite ou sorcier des hôtes de ces bois.
Les druides étaient d’ailleurs souvent appelés « sangliers » ou « sanglier du monde
»
Pour les Germains, il représentait la force et le courage mais il était aussi le symbole de la Connaissance, un être psychopompe, un médiateur de
l'Au-delà.
Les mythes grecs le méprisèrent un peu ou en firent un monstre tel le sanglier d'Érymanthe en Arcadie dont la capture vivant fut le
quatrième des douze travaux d'Héraclès (Hercule qui jamais ne recule…)
Aujourd’hui, le sanglier est un peu la terreur des automobilistes et des
chasseurs, sachant que son poids peut atteindre 350 kg compactés fermes et que sa charge furieuse et aveugle peut être mortelle.
Ainsi notre brave sanglier est bien singulier et solitaire – d’où son nom d’ailleurs, du Latin « singularis » (singulier, unique, isolé, solitaire) - mais il est aussi solidaire de notre planète,
de nos races et de nos vies.
Sa femelle qui est aussi souvent honorée que la truie du cochon est appelée la laie ; son petit, le marcassin ; les
sangliers ados sont les « bêtes rousses » et le mâle âgé, sage et silencieux, le « solitaire » qui, tel le diamant du même nom est éternel et fantôme errant nocturne dans l’impérissable,
formidable et profond secret des forêts de nos légendes.
On t’aime, le sanglier ; reste avec nous ; ne change pas d’une soie, mais arrête de temps en temps de faire ta tête de cochon hein !
Illustration : Frans SNYDERS (1579-1657) Chasse au sanglier, Rockox
House, Anvers.
Fin de loup
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