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Martin-Lothar

Trois runes de circonstance — 3/3 — La Fontaine

9 Décembre 2024 , Rédigé par GJG Publié dans #Runes, #La Fontaine, #Bestiaire

Trois runes de circonstance — 3/3 — La Fontaine

La Cigale, ayant chanté
Tout l'été,
Se trouva fort dépourvue
Quand la bise fut venue :
Pas un seul petit morceau
De mouche ou de vermisseau.
Elle alla crier famine
Chez la Fourmi sa voisine,
La priant de lui prêter
Quelque grain pour subsister
Jusqu'à la saison nouvelle.
« Je vous paierai, lui dit-elle,
Avant l'Oût, foi d'animal,
Intérêt et principal. »
La Fourmi n'est pas prêteuse :
C'est là son moindre défaut.
« Que faisiez-vous au temps chaud ?
Dit-elle à cette emprunteuse.
— Nuit et jour à tout venant
Je chantais, ne vous déplaise.
— Vous chantiez ? J’en suis fort aise.
Eh bien ! Dansez maintenant. »

(Jean de la Fontaine, la Cigale et la Fourmi, Fables)

Note : après le romancier et le philosophe, je passe au poète qui dirait toujours la vérité, comme chantait l’autre.
C’est une des fables les plus connues de notre fabuleux fabuliste maître Jean ; c’est aussi une de ses fables sans « morale » apparente ; c’est une des plus ambigües ; c’est une des plus mal comprises à priori, bref, c’est une des plus « quantiques » en diable et même en Lucifer.
Certes, chanteur et danseur sont de très beaux métiers, mais quand ça ne paie plus…

Ô lecteur agacé, je te sens lassé, mais calme toi, j’en viens au but : cette fable est de toute circonstance et de tout temps, que nous soyons cigale ou fourmi ; que nous soyons créanciers de rien ou débiteurs de tout ; que nous soyons SDF à carton recyclable ou milliardaire à cathédrale ressuscitée.
J’aurais pu y accoler le « Corbeau et le Renard » et sa morale : « tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute », mais je la réserve pour de prochaines élections.
Du reste, ce renard de Jean de la Fontaine a bien su flatter cet écureuil de Nicolas Fouquet, un homme d’État, un Premier ministre (& des finances) de l’époque, mais un roi-lion-danseur un peu mégalo et bien au-dessus de lois a viré l’écureuil pour le remplacer par un col-vert du coin-coin 
Et ce fut encore un blanc-bonnet pour un bonnet blanc.

Cela étant, la « guerre » de la fourmi et de la cigale aura toujours lieu, je vous le dis. Surtout que d’autres bestioles vont bientôt s’en mêler grave. Des renards anglais, des loups allemands, des ours slaves, des bisons américains, des chameaux arabes, des pandas chinois, des tigres bengalais, des rats des villes et des champs, et puis surtout, des vautours de morne plaine, des corbeaux de gibet et des hyènes de charnier de tous horizons et de toutes confessions.

Soit, mais de grâce les gens, foutez la paix au pangolin, il a déjà trop donné.

Illustration : Image d’Épinal, la Cigale et la Fourmi.

Fin de loup

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C
"La fourmi et la cigale"<br /> <br /> La fourmi, qui frottait toujours<br /> S'arrêta pour reprendre haleine.<br /> « qui s'attendrira sur la peine,<br /> Dit-elle, des ménagères ?<br /> Toujours frotter, jour après jour,<br /> Et notre ennemi la poussière,<br /> Aux ordures jeté notre triste butin<br /> Revient le lendemain matin,<br /> On se lève, elle est encore là, goguenarde.<br /> La nuit on n'y a pas pris garde,<br /> Croyez qu'elle en a profité,<br /> La gueuse ! Il faut recommencer,<br /> Prendre le chiffon, essuyer<br /> Et pousser, toujours pousser<br /> Le balai. »<br /> « J'ai tout mon temps, dis La poussière,<br /> Cela s'use une ménagère.<br /> Quelques rides d'abord et l'esprit<br /> Qui s'aigrit ;<br /> La main durcit ; le dos se courbe ; tout s'affaisse,<br /> La joue, le téton et la fesse ;<br /> Alors s'envolent les amours…<br /> Boudant et maugréant toujours<br /> La ménagère rancunière<br /> Frotte jusqu'au dernier jour,<br /> Vainc le dernier grain de poussière<br /> Et claque enfin, le ressort arrêté.<br /> Vient le docteur boueux, qui crotte le parquet,<br /> Le curé et l'enfant de cœur et la cohorte<br /> Des voisins chuchotants qui entourent la morte…<br /> Et sur ce corps, vainqueur de tant de vains combats,<br /> Immobile sur son grabat<br /> Pour la première fois une journée entière,<br /> Retombe une dernière couche de poussière :<br /> La bonne. »<br /> « Quant à moi, dit la cigale, j'ai une bonne. »<br /> <br /> *** Jean Anouilh, Fables, 1962 ***
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G
Costar :<br /> M’avoir mis Anouilh bonne pâte <br /> bien dans les pattes<br /> ça m’épate