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Martin-Lothar

Quantique de l’Alter-Égal

10 Avril 2013 , Rédigé par Martin-Lothar Publié dans #Quantiques du loup

CaravageNarcisse.jpgCe matin de l’autre jour, comme d’habitude, je me rasais en essayant en vain de me souvenir de mes rêves de la nuit.

Si tous les êtres pourvus de cet amas gélatineux nommé cerveau font des rêves dans leur sommeil, ceux de l’espèce humaine sont les rares, sinon les seuls à vouloir peu ou prou s’en rappeler pour des raisons ou des fins plus ou moins nécessaires ou intelligentes, sachant que ce n’est pas toujours un exercice facile, dans la mesure où un rêve est aussi fugace qu’une étoile de pollen portée par le vent d’un jeune printemps.

Je me rasais donc quand, dans la glace, j’aperçus derrière moi s’ouvrir la porte de la salle de bain puis, entrer quelqu’un qui me ressemblait comme une goutte d’eau peut ressembler à une autre goutte de la même eau ou pas.

Ce sosie, ce jumeau, ce double, cet Alter-Égal vint se tenir juste derrière moi pour me déclarer : « fous le camp, va te recoucher, car il faut que je me rase et je suis très en retard ».

Je me suis retourné alors en bredouillant un « hein, quoi ? » de la plus humble famille des Stupéfaits, pour me retrouver face à face avec un autre moi-même sympathique, de bonne humeur et en effet, pas encore rasé.

La suite fut engloutie inexorablement par l’habituel vortex boueux, brumeux, adipeux provoqué par la sonnerie du réveille-matin : tout cela n’était qu’un cauchemar dont le souvenir me cloua au lit pour un si long moment que je me levai enfin en catastrophe et en retard pour gagner la salle de bain dont j’ouvris la porte avec autant de précautions inutiles que d’appréhensions idiotes.

M’étant bientôt retrouvé face-à-face non pas avec l’aimable et serviable autre-Moi de mon rêve, mais avec le plus que jamais pénible Moi-autre du miroir de la réalité, le gaucher, mon inverse, mon vieil ennemi, de guerre lasse, je décidai de nous raser tous les deux comme si de rien n’était.

Quelques minutes plus tard, je me réveillai dans le train qui était en train d’arriver en retard à Saint-Lazare et en me frottant la figure, je constatai que j’avais oublié de me raser.

Le soir, en me couchant, je me suis dit que ce fut une bien importante journée pour avoir enfin rêver le rêve de rencontrer ce double dont ma paresse avait toujours rêvé, car en réalité désormais, je suis convaincu qu’il existe bel et bien comme existe tout ce qui hante le moindre de nos songes.


Illustration : Michelangelo Merisi dit « Il Caravaggio » (Le Caravage, 1571-1610) Narcisse (1598-1599 — attribution discutée), huile sur toile, 110 x 92 cm, Galleria Nazionale d'Arte Antica, Rome, Europe.


Fin de loup

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S
<br /> Moi c'est le contraire : mon double est rasé, moi jamais.<br />
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M
<br /> <br /> STV : je trouve tous tes commentaires au poil.<br /> <br /> <br /> <br />