Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Martin-Lothar

Recette — Œufs sur le plat

30 Octobre 2011 , Rédigé par Martin-Lothar Publié dans #Divers et d'autres saisons, #Boire & manger

Je continue ma saga sur l'art de faire l'œuf. Pour les cancres las qui se macdonaldisent obèses graves au fond de la blogosphère, je mets des liens au bas de ce billet vers les épisodes précédents qu'ils pourront ainsi consulter à leur aise et en toute rédemption, mais pas tout de suite, parce que je cause là de ma recette des œufs sur le plat.

VelazquezFemmeOeufs.jpg

Je ne sais plus dans quel roman de Simenon le commissaire Maigret, un midi, attentant sa commande, accoudé au comptoir de son bar-tabac préféré, sort brusque sa carte de policier pour intimer d’urgence au patron l'ordre de retirer illico la poêle du feu cuisant des œufs. 

On voit par là qu'un flic peut avoir bon goût, car il n'est rien de plus dégueulasse gerbant que des œufs sur le plat trop cuits, trop frits, plâtreux du jaune et négrier du blanc sec cartonné. 

Halte-là Patron : les œufs de tout poil, sexe, âge et horizon demandent toujours de la douceur, de la tendresse, bref, de la lenteur à la cuisson ! Ah, mais. Je vous aurai prévenus une fois de plus.

Toute bonne gastronomie exigeant des produits frais, votre premier geste sera d'aller chercher votre galline pondeuse professionnelle et pour ce faire, vous irez dans la salle de bains de votre appartement pour la dénicher de sa caisse paillée moelleuse. Vous en profiterez pour retirer la muselière de votre alligator préféré (le mien se nomme Nietzsche — c'est mon choix).

Notez bien que pour cette recette, je déconseille fortement les œufs de diplodocus. La raison principale étant que ces dinosaures sont très mal à l'aise dans nos baignoires modernes. De plus, les diplodocus s'entendent très mal avec les alligators, c'est de notoriété aussi publique et aussi antique que l'amour que portent les juifs aux Palestiniens et vice-vertu. Ils n'en démordront jamais, quoi.

Vous installerez la poule (ou le diplodocus, si vous y tenez) sur la table de votre cuisine et après lui avoir mis un petit panier sous le cul, vous mettrez devant ses yeux un tableau de maître (je conseille un Jérôme Bosch — une reproduction, même médiocre est amplement suffisante, ce n’est qu’une poule) ; vous mettrez ensuite une musique d’ambiance et de circonstance (je préconise « la Poule » de Jean-Philippe Rameau, mais attention, le morceau doit être joué au clavecin, car les gallinacés ne supportent pas le piano — ne me demandez pas pourquoi. Pour les dinosaures, je n’ai aucun avis.)

La poule étant une créatrice comme une autre, il est important que pendant son œuvre ovale elle soit émulée par d'autres beaux artistes. Si votre poule est jeune, il serait bon de lui déclamer en boucle, un poème d'Arthur Rimbaud : personnellement, je lui hurle le bateau ivre et elle adore.

Un conseil utile en passant, pour les heureux maîtres d’un alligator : par expérience, je sais que mon Nietzsche, quand, chaque soir, je le descends en laisse pour le faire pisser dans la rue, devient tout de suite et par magie plus tenable et convenable si je lui chante sur l’air de « viens Poupoule » des passages du Capital de Karl Marx (qui l’eut cru, hein ?)

 

En attendant la ponte d'autant d’œufs qu'il y aura de convives (deux œufs sont un minimum, sachant que ma grand-mère disait que plus de trois œufs attirent la mort, cette éternelle gourmande) vous pourrez graisser une poêle avec ce que vous voulez, mais que je déconseille celle de l’olive qui s’allie fort mal avec l’œuf — ce qui surprenant, car ils ont la même forme ou à peu près.

Puisque la cuisson sera lente, très lente, vous pourrez porter votre choix sur de l’huile de noix ou de noisettes et pourquoi pas, pour les plus en veines dégagées, sur de la graisse d’oie.

Une fois vos œufs pondus en nombre ad hoc, remettez votre poule à sa place dans la salle de bain en ayant soin, auparavant, de remettre la muselière de votre crocodile, car même s’il est encore rotant des reliefs gazeux du dernier voisins grincheux, cet animal ne pense qu’à se bâfrer de tout ce qui bouge ou pas (pour vous dire, un jour, même mon tube de dentifrice, pourtant zen parmi les zen, y est passé) Éteignez la lumière et fermez la porte après avoir relancé le CD des Pink Floyd (ma poule pondeuse comme mon reptile prédateur ne se lassent jamais d’écouter en boucle l’album « Atom Heart Mother », celui où il y a les vaches normandes sur la pochette et qui démarre par un bruit de moto sur fond de cuivres ténébreux)

Après avoir chauffé quatre ou cinq minutes la poêle, cassez y les œufs : rien ne doit grésiller hein ! Salez et poivrez mollo ; jetez une pincée de ciboulette et de persil ; ensuite, — très important — couvrez le tout et laissez cuire à feu très doux, mais pas trop, pendant quinze minutes au moins, selon vos ustensiles et la quantité d’œufs : surveillez et surveillez toujours les jaunes en soulevant le couvercle de temps en temps.

Il faut que les jaunes soient à la limite de la casse, encore un peu rosés et que les blancs, gonflés d’humidité, résistent à la spatule qui enlèvera le tout pour le porter dans votre assiette.

Il ne reste plus qu’à manger ce bonheur chaud en poussant à l’aide de morceaux d’une bonne baguette toute tiède des miches de la boulangère (ou d’ailleurs)

 

Variante paysanne

Les œufs adorent le riz ou mieux, la pomme de terre.

Vous pouvez déposer les œufs cuits sur le plat sur une galette de patates (frite dans son mélange aplati de pommes, de terre, de crème, d’herbes de tout poil et de champignons divers ou d’autres saisons). Râpez sur l’ensemble, de la truffe de chez Vrai et enfin, oubliez tout le reste en mangeant. (Un petit vin rouge, jeunet et clairet, de notre beau pays de Loire, par exemple, sera le plus savoureux compagnon d’une telle fortune.)

 

Variante bretono-savoyarde

Déposez les œufs sur une crêpe maculée de lardon et de fromage au lait cru, mais râpé. La bolée de cidre ou la grolle fera l’affaire, en sus. N’oubliez pas avant de faire votre vaisselle, de signer la énième pétition demandant exigeant que le Mont Saint-Michel soit attribué à Mayotte (la Bretagne et la Normandie n’étant plus ce qu’elles étaient, ma bonne d’âme).

 

Variante slave

Allongez les œufs sur un blinis de leur circonférence préalablement enduit d’une centaine de grammes de caviar béluga. Un bon champagne là-dessus et puis c’est marre (un Taittinger, Comtes de Champagne, Blanc de Blancs 1985 ne pourra jamais vous laisser indifférent, ne serait-ce d’emblée par son prix, mais c’est la fin du monde, oui ou merde ?)

 

Variante Martino-lotharingienne

Secret-défense impérial et lupin (Non, mais hein, oh !)

 

Quoi qu'il en soit, n’oubliez pas avant de vous coucher de dire à votre alligator de faire ses prières. (On ne sait jamais, des fois qu’il attrape la grâce…)

 

À lire ou à relire encore et en corps svelte :

 

Illustration : Diego Rodriguez de Silva y VELÁZQUEZ, 1599-1660, vieille femme cuisant des œuf, 1618, huile sur toile, 101 x 120 cm, National Gallery of Scotland, Edinburgh, Europe.

 

Fin de loup

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
T
<br /> <br /> Je crois que tu vas pousser les hauts-cris devant ma (grasse) version nollandaise, mais je tente quand-même ma chance: http://tippienet.free.fr/wordpress/index.php?p=959<br /> <br /> <br /> Ca date... Depuis, j'ai pris l'habitude d'y ajouter persil et ciboulette du jardin et je ne mange plus que du bon pain noir avec beaucoup de seigle et de céreal (en plus, c'est plus beau pour les<br /> yeux et plus bon pour les papilles). Si on aime les couleurs, on peut mettre des morceaux de poivrons rouges, verts et oranges... <br /> <br /> J'ai beaucoup ri en lisant ton billet mais le clou fut encore: le coup de la poule que l'on remet dans la salle de bain. Tu fues les coquilles de tes oeufs, ou bien ? :))<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
M
<br /> <br /> Ma Tip : bon app et mille bises.<br /> <br /> <br /> <br />
L
<br /> <br /> Et voilà ! ça commençait bien, slave séduisante, bretonne aguichante, et ça finit sur un secret. On reste sur sa faim. Un comble.<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
M
<br /> <br /> Mère Castor : ah mais attends hein ! Je n'ai de secret pour personne — il suffit de me le demander, et cette recette (très personnelle) de loup-garou pourrait faire l'objet d'un autre billet, non<br /> ? ...<br /> <br /> <br /> <br />