Night in white satin ¬— The Moody Blues
À mes frères Antoine, Martin et Thomas qui malgré eux et souvent malgré moi, m’ont gavé de Moody Blues et d’autres couleurs.
Longtemps je me suis réveillé de bonheur au son de la musique classique et un matin, en écoutant une radio du même bois, j’entendis un air d’alto, sans doute extrait d’un opéra dans lequel je reconnus tout de suite la mélodie d’une chanson qui me trotte dans la tête depuis mon adolescence et qui le fera sans doute encore dans mon crâne momifié : Night in white satin.
Malheureusement, il n’y eut pas de désannonce de cet extrait, mais le spikeure eut quand même la grâce de présenter le morceau suivant en commençant par : « et toujours de George Frederik Haendel… »
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Je sais que des millions de vivants connaissent et apprécient cette chanson créée en 1967 par cinq jeunes salauds d’Anglais groupés sous le pseudo de « Moody blues » et qu’ils ont sans doute dansé le « slow de leur vie ou de leur mort » sur son mode quantique et haendélien, je maintiens.
Je sais aussi qu’elle a inspiré « dans leur quelque part » de nombreux autres artistes, ne serait-ce que Léo Ferré qui en chantonna un certain : « c’est extra ».
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Hélas, pauvre Martin, pauvre misère (comme chantait Georges, Brassens, pas Pompidou, ni Marchais) je n’ai jamais pu retrouver l’air d’opéra ou d’oratorio ou plus profane tu meurs de GFH (né en 1685, comme JSB et DS) qui fut la source mélodique de NIWS et ce, malgré une exploration attentive et patiente, sinon passionnée de toute l’œuvre du maître saxon.
Si un érudit lecteur pouvait me laisser par commentaire ne serait-ce que l’ombre d’un fil d’Ariane sur ce sujet, je lui paierai mon poids en carambars, foi d’animal et sans blague.
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Bon sinon, les vieux qu’ont de l’âge académique peuvent en marmonner ce qu’ils veulent, mais ces « maudits bleus » à cheveux longs, pattes d’éléphant, guitares électriques, mellotrons du diable, synthétiseurs à lampes et autres jabots fluo-romantiques étaient quand même à moins de vingt ans, encore pétris de culture et de musique classique.
Ils connaissaient leur Bach, leur Shakespeare et leur Haendel (je maintiens) sur le bout des doigts voire du joint, et du reste, ce furent bien les seuls ou des rares à revendiquer cette mutation, voire ce quantique de classique/pop/folk/rock. (Et toc).
Il y a en effet du Haendel dans NIWS quand après deux minutes de planage, survient cette rupture « légendaire » engendrée par un coup de tambour suivi de ce « pont » de flûte traversière : c’est la saxonne flûte en os d’Hamelin qui désormais, emportera vos rêves et vos enfants dans un nulle part ailleurs d’enfer et après laquelle toute cadence ne sera que folie et vice vertu.
J’attire spécialement votre musicale attention sur la reprise de la batterie, puis de la basse et enfin du reste au quart de ce morceau de flûte : quelques secondes, quelques mesures, un fragment de paradis qui me durcira toujours le zizi.
C’est comme ça.
La nuit est de satin blanc, mes frères rats !
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Toutefois, las des dos, des mies, des fats et d’autres raies, à ras du sol, venons-en au texte, au poème de cette chanson qui, par simple traduction, puis, par une lecture pas plus attentive que ça, nous amènera peut-être à réaliser que NIWS est TOUT SAUF UNE CHANSON D’AMOUR ! (Malgré les « I love you » répétés ad libitum)
À cet égard, suivez (ou pas) le loup pas à pas :
Night in white satin
(Nuit dans du satin blanc)
On imaginera d’emblée un lit d’amour avec draps de satin blanc, chaud de sueurs ou d’autres déjections corporelles. Pensons plutôt à du brouillard (fog en anglais) ou à un linceul blanc dans un cercueil.
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Never reaching the end
(N’ayant pas de fin)
Le premier de tout sexe qui me parle d’amour (éternel), je lui fous ma quille quantique là où il osera encore y penser.
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Letters I’ve written / Never meaning to send.
(Des lettres que j’ai écrites sans vouloir les poster)
Nous en sommes tous là, à vrai dire. Moi le dernier, hélas.
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Beauty I’d always missed/With these eyes before
(Beauté que j’ai toujours manquée avec mes yeux d’avant)
Si la traduction est personnelle, c’est la mienne et…
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Just what the truth is / I cant say anymore. /cause I love you
(Ce qu’est la vérité, je n’en peux en dire plus, parce que je t’aime)
Tout le quantisme shakespearien de cette chanson tient dans ces trois vers : on ne sait pas qui s’adresse à qui ou à quoi, mais on apprend ici que le locuteur ne peut pas plus en dire à l’autre de peur de le blesser ou du moins, de l’écarter.
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Gazing at people/Some hand in hand /Just what I’m going thru / They can understand.
(J’ai demandé à des gens — certains, main dans la main — ce que j’allais devenir, mais il ne m’ont pas compris)
Encore une fois, nous avons tous été dans ce foutu bouillon, pour ne pas dire dans cette merde.
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Some try to tell me / Thoughts they cannot defend / Just what you want to be / You will be in the end,
(Certains ont tenté de me dire ce qu’ils ne pouvaient me promettre : « ce que tu veux devenir, tu le seras enfin »)
Bon là, je ne peux vous en dire plus, parce que je vous aime !
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Bref, notre poète est dans un brouillard blanc épais comme une peau acnéenne ou une tornade des cinquantièmes rugissants ; il est dans une panade complète et manifestement, celle (ou celui) à qui il cause ne lui est d’aucune utilité.
Sait-on d’ailleurs qui il est ? S’il est bien vivant et s’il ne cause pas à lui-même enfin ?
Ou à la mort, à la vie ? À sa destinée ?
Je t’aime, certes, mais si tu n’as pas de réponse à mes questions, ferme ta gueule ou casse-toi hein !
Mais oui, I love you…
Tiens, ça me rappelle une nouvelle de Boris Vian intitulée « l’Amour est aveugle »
Des questions sur cette explication de texte ?
J’illustre cette rune — qui a tout mon cœur, sinon tout mon esprit, comprenne qui pourra — par trois vidéos de concert de ces loupissimes Moody Blues chantant NIWS en direct de Chez Live et datant respectivement de 1967, de 1970 et de 2007.
Illustration I (1967)
C’est la vidéo que je préfère, même si l’on sent les cinq petits gars stressés à mort lors de leurs débuts dans un concert en France (voir le label « INA.FR » ?). J’adore les trémoussements du sympathique flûtiste (Ray Thomas) et leur salut final. J’aime aussi la fin orchestrée qui préfigure le concert de 2007.
Illustration II (1970)
La plus belle version de NIWS lors d’un concert à l’île de Wright qui est à l’orient de l’Occident ce que Woodstock est à l’occident de l’Occident. Admirez les micros scotchés, le dos taurique du claviériste (Mike Pinder) et surtout, la mâle beauté androgyne, saxonne, du chanteur (Justin Hayward), ses cheveux blond-roux, son nez droit, ses yeux noirs, sa concentration enfin… Un Icare, un ange du diable celui-là…
Illustration III (2007)
Et les revoilà, revois loups, quarante ans plus tard : ils sont vieux, gras, riches, cancéreux, chenus, tavelés, idolâtrés, mais toujours égaux à eux-mêmes et de plus, poussés jouissifs par un orchestre symphonique, un vrai, pas un synthétique hein ! Un vrai !
On admira ou pas les extases du bassiste (John Lodge) et les lunettes presbytes du batteur (Graeme Edge), mais ce sont bien les Moody Blues et c’est aussi notre nuit de satin blanc.
C’est extra !
Je ne peux vous en dire plus parce que je vous aime, mais la cloche que je suis vous souhaite tout de même de joyeuses Pâques, à vous et pourquoi pâques, à tous les vôtres.
Fin de loup