Dixième spectre (le miroir)
25 Février 2007 , Rédigé par Martin-Lothar Publié dans #Runes
Thomas Noël, dit « Tom » naquit en 1942 dans un petit village de
l’Aveyron.
Ses parents étaient viticulteurs et Thomas grandit paisiblement dans une nature généreuse et variée qui lui donna très tôt le goût des sciences naturelles et en particulier de la botanique.
Après de bonnes études secondaires à Rodez, il partit pour Toulouse où il soutint une thèse remarquée sur l’héliotropisme du tournesol.
En 1967, il obtint un poste de recherche au Muséum d’Histoires Naturelles et vint s’établir à Paris où la passion de son métier fit de lui un chercheur réputé, respecté, discret, mais aussi, un
célibataire endurci.
Ce matin du 4 janvier 2002, Tom fêtait ses soixante ans et il s’apprêtait à passer sa dernière journée de travail au muséum : Le lendemain, il serait à la retraite et une longue journée de
babillages, terminée par un pot convivial l’attendait.
Il entra joyeusement dans sa salle de bain et commença sa toilette.
En étalant la crème à raser, il se regarda dans la glace : A soixante ans, il s’estima plutôt bien conservé physiquement et il se dit que ces années d’une retraite somme toute bien méritée
s’annonçaient pour le mieux.
Tom avait plein de projets et notamment celui de retourner dans l’Aveyron afin d’y écrire en toute quiétude une « somme » sur la botanique ou éventuellement sur les champignons qui le fascinaient
et le régalaient bien souvent.
Passionné d’informatique, il créerait un site ou un blogue qu’il nourrirait de son savoir, de ses expériences et de ses ballades en campagne et il attendrait ainsi, serin et repu une mort qui ne
lui aura jamais fait vraiment peur.
Alors qu’il entamait son rasage, la lumière s’éteignit soudainement.
Plongé dans le noir complet, Tom, figé, attendit quelques secondes le rasoir plaqué contre la joue.
Il se dit que ce ne devait être qu’une brève coupure d’électricité, somme toute très rare dans ce quartier de Paris et ce d’autant plus qu’il n’avait pas récemment remarqué d’affiche prévenant
d’un tel événement.
Au bout d’une bonne minute toutefois, Tom prit le parti d’aller aux nouvelles et de jeter un coup d’œil dans le compteur.
Alors qu’en maugréant, il se penchait pour attraper une serviette, il remarqua une très faible lueur juste en face de lui au niveau du grand miroir.
Intrigué, il se retourna instinctivement, mais il ne perçut aucune lumière pouvant constituer la source d’une telle lueur.
Dans le miroir, la lumière augmentait petit à petit.
Abasourdi, Tom distingua alors qu’une autre pièce apparaissait derrière le miroir et bientôt, il aperçut un homme assis sur une chaise, la tête baissée et les mains posées sur les genoux.
Tom pensa qu’il était en train de cauchemarder.
Toutefois, plus ce rêve étrange se prolongeait, plus il prenait une réalité inhabituelle.
Tom crut défaillir quand l’homme du miroir releva enfin la tête et révéla ainsi qu’il était son parfait sosie : Comme si son propre reflet qu’il avait regardé quelques minutes auparavant
avait pris subitement son indépendance et était allé s’asseoir tranquillement, désoeuvré, au moment de la panne de lumière.
Sortant de sa torpeur, mais dans l’angoisse et l’égarement, Tom amorça alors un dialogue alors son reflet et lui demanda qui il était.
L’homme sembla alors l’entendre et se leva pour se rapprocher de lui.
Les bras ballants et en faisant un triste sourire, il lui répondit qu’il se nommait « Mot » et qu’il était sa propre image de toujours.
Tom effaré, hébété demanda alors ce qui se passait.
L’homme du miroir lui révéla alors que Tom était mort et que lui et son image corporelle, devaient maintenant se séparer.
Il invita Tom à se retourner et à découvrir un long tunnel au bout duquel brillait une puissante lumière blanche.
Il dit alors que Tom devait aller vers cette lumière pendant que « Mot » attendrait son sort derrière le miroir.
Le reflet nommé « Mot » avoua ensuite qu’il ne savait absolument pas ce qu’il adviendrait d’eux, mais que de toute façon ni l’un ni l’autre ne pouvaient désormais plus influer en quoique
ce soit sur leur destin respectif.
Tom Noël se dirigea alors vers la lumière et y disparut quelques secondes plus tard.
Tristement, « Mot Leon » le regarda partir puis il se rassit sur sa chaise.
Il se demanda ce qui pouvait bien arriver aux images des êtres disparus et il espéra qu’il allait aussi s’effacer rapidement plutôt que d’errer sans doute éternellement tel un reflet, un
fantôme, un spectre.
Ce n’est qu’en fin d’après-midi de ce 4 janvier que les pompiers, appelés par la concierge, elle-même alertée par les collègues inquiets du Muséum, découvrirent le corps inanimé de Tom Noël.
Le médecin conclura à une mort foudroyante par embolie cérébrale.
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