To be Shakespeare or not to be William (2/2)
« Good friend, for Jesus' sake forbear,
To dig the dust enclosed here.
Blest be the man that spares these stones,
But cursed be he that moves my bones. »
« Mon ami, pour l’amour du Sauveur, abstiens-toi
De creuser la poussière déposée sur moi.
Béni soit l’homme qui épargnera ces pierres
Mais maudit soit celui violant mon ossuaire »
(Épitaphe de Shakespeare sur sa tombe dans l’église de la Sainte-Trinité à Stratford-upon-Avon)
[…Matthias Ier, empereur du Saint Empire Romain Germanique et roi de Bohême, se tapait le reste de l’univers.]
Et ce petit monde aux vieux parapets commençait à exporter ses traditions et ses violences dans les Nouvelles Angleterre, France, Amsterdam, York ou Vendôme, où il y reléguait souvent ses indésirables qui se mêlaient à autant de migrants fuyant les guerres et les persécutions religieuses et donc politiques.
Le May Flower accostera en Amérique du Nord en 1620 et y débarqueront, notamment les ancêtres des acteurs Marylin Monroe et de Humphrey Bogart (qui n’ont certes pas dû jouer souvent Shakespeare, mais bon).
Du reste, en Europe, deux ans après la mort de Willy, en 1618, on commencera et pour Trente ans, la « répétition générale » d’une pièce de « boucherie-charcuterie », dont la « première », sera donnée en 1914 pour s’achever trois cents ans plus tard en 1918.
…
Pour revenir à notre dramaturge, on ne sait pas grand-chose du bonhomme William. À l’instar de celles de Villon, les maigres et courtes biographies de Shakespeare ne sont étayées que par une poignée de paperasses comptables ou judiciaires et par son épitaphe citée en exergue ; mais au rebours de François, rien dans l’œuvre de William ne laisse entrevoir un quelconque aspect de son caractère ou de sa personnalité.
C’est pourquoi, quelques cent ans après sa mort, quand son grand art fut enfin reconnu et portée aux nues, tout comme pour le pauvre écolier noceur parisien, on explosa d’une plus ou moins saine imagination pour affabuler tout, et souvent n’importe quoi sur la vie et les mœurs de notre poète anglais.
On n’a trouvé pas moins de soixante-dix personnes de tout sexe, âge et rang susceptibles de s’être abritées sous le pseudo-pseudo de William Shakespeare !
C’est vrai qu’on ne fait pas d’Hamlet sans casser des yeux et des oreilles ou des égos, et les zones d’ombre parsemant la biographie des précurseurs de génie, des maitres de tout art, font souvent la pâtée inespérée de nombre de branle-musards de mes deux ou autres pseudo historiens de prisunic qui s’enrichissent ainsi en appauvrissant l’esprit des gogos incultes gobant béats leurs ineptes calembredaines.
Beaucoup eurent de la peine à réaliser que cet étonnant dramaturge fut peut-être un homme discret, voire timide, un simple fils de petit bourgeois provincial qui n’eut pas le sou pour se payer de grandes écoles ou autres « entrées en cour ».
Il y a tout lieu de penser que Willy fut un autodidacte forcené (les pièces sont truffées d’erreurs historiques et géographiques — même à l’époque — et parfois d’anachronismes lourdingues, mais pour le plus grand plaisir des petits et des grands) ; il fut un amateur imaginatif de mots, du Verbe et d’histoires plaisantes, émouvantes, distrayantes, et qui, un jour, las de ne pouvoir se faire une place de choix dans le monde des poètes londoniens (un peu guindé hein !), accepta de rejoindre en tant qu’acteur — et actionnaire —, une troupe de théâtre où, il s’y éclata bien vite.
On ne sait pas s’il fut un bon acteur (il joua souvent, paraît-il, le fantôme du père d’Hamlet — dont il donna d’ailleurs ce prénom nordique à son unique fils, mort à 11 ans en 1596), mais il est sûr que cette troupe « The Theater » gagna à la longue l’estime, la ferveur et la clientèle de spectateurs de tout crin (un brin « éclairés », certes) et, Grosso de chez Modo, fabriqua, inventa le théâtre classique, voire contemporain.
Précisons quand même que de son vivant, Shakespeare ne fut jamais une « star » (ou autre minable merdeux guignol médianombrilisé, tiouteurisé ou facebouké de nos festifs-veaux modernes) : le public allait voir Macbeth animée par « The Theater » qui n’était qu’une « entreprise de théâtre » parmi tant d’autres et dont tous les membres souvent anonymes, de tout sexe, poil et âge (sociétaires, actionnaires, employés) exerçaient tour à tour, voire en même temps, mais surtout ensemble, tous les métiers du théâtre : acteurs, décorateurs, machinistes, allumeurs de chandelles ou de réverbères, souffleurs, décorateurs, ouvreurs, dames-pipi, musiciens, balayeurs, videurs, coupeurs de citron, comptables, archivistes et autres auteurs, sachant que chacun avait évidemment son mot à dire, à ajouter ou à retrancher dans le moindre acte proposé à la scène commune.
Toutefois, si Shakespeare n’avait de fans dans le grand public, sa signature n’était pas pour autant inconnue dans le Landernau grand-breton et notamment par les toujours brillants et un-con-tournables poètes de cour, toujours à court, et autres m-as-tu-vu académiciens prébendés jusqu’à l’anus qui ne furent jamais avares de leur fiel jaloux, amers pour stipendier ce plouc de William qui, sans demander l’avis des princes, botta avec génie le cul de sa langue anglaise et néanmoins maternelle.
Comme le firent Villon et Rabelais de leur français et du reste…
J’ai lu quelque par en effet (Eugène, Dans Un Livre J’ai Lu que…, Édition Autrement, 2011) que le vocabulaire (anglais) de Shakespeare se chiffre à 25 000 mots tandis que celui de Racine — qui fit pourtant bel et bien claquer son beau français — n’en compte que 1 500 (dont une seule « fleur » française pour 500 autres espèces d’Anglaises à épines ou pas…)
William écrivit un si bel anglais que des cancres las comme Voltaire ou Victor Hugo, par exemple, se ridiculisèrent à le traduire peu ou prou.
Et puis, comme les deux François françois surnommés (Villon et Rabelais, pas Fillon et Hollande, merde), ce que j’adore dans Shakespeare, c’est cet esprit « quantique » qui nous fait sourire dans les larmes et nous rend amers dans les rires. En vérité, je vous le dis, il y a de l’espièglerie même dans la fameuse tirade du « To be or not to be »
…
Et c’est ainsi qu’en 1613, notre Guillaume Remulance prit sa retraite à 49 ans et revint — tel un Ulysse — dans sa ville natale retrouver sa femme Anne qui l’y attendait depuis plus de dix ans — telle Pénélope — et ses deux filles Susanna et Judith (la sœur jumelle du défunt Hamlet et qui aurait pu aussi se prénommer Ophélie).
Mais s’il en était parti sans beaucoup de shillings dans la poche, il en revint assez riche pour s’offrir les armoiries que son père John avait sans doute toujours rêvées : un blason de lances (speare en anglo), de heaume (helm en saxon, comme dans Wilhelm) et lambrequin, cimier, tortil et un « falcon » (d’assaut, de chasse et d’oiseau), tout cela surmontant une devise : « Non sanz droict » (in old french in ze text).
Assez riche aussi pour se payer une tombe dans l’église (catholique anglicane) de Strafford sur Avon sur laquelle est gravée son épitaphe (en exergue de ce billet) qui fit, elle aussi jazzer bien des imbéciles heureux ou pas, dans la mesure où elle interdit toute profanation sous peine de malédiction.
Inutile de vous dire que ce truc a bien marché et que notre William a enfin trouvé une paix éternelle. (Il est vrai que dans Westminster Abbaye comme dans le Panthéon reposent les corps d’autant de génies que de canailles, mais bon)
Cela étant, en tant que futur empereur de l’Univers, je sais ce que l’on trouverait dans la tombe de Shakespeare : un squelette sans crâne !
Because the show must go on !
vivons nos temps de mal en pire
sous ton empire
Shakespeare
We love you William and Shakespeare ; stand by us.
Fin de loup
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