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Un Manuel de Survie

Les Runes du loup-garou - fragment n° 96 (Rage, Stephen King)

19 Février 2010 , Rédigé par Martin-Lothar Publié dans #Stephen King

J’ai trouvé çà au fond de ma tanière parmi les feuilles et les ossements :

 

Les écureuils, ça ne vaut rien comme badaud.

Quand on quitte la grande route, il faut s’attendre à voir quelques maisons bizarres.

La morale de l’Histoire c’est quand on recrache le passé et que le présent est encore pire, ça rend le vomi appétissant.

C’est drôlement chouette de voir quelqu’un attirer l’attention.

Dicky était un crétin qui m’a toujours fait penser à une tondeuse à gazon.

Quand on a cinq ans et qu’on a mal quelque part, on crie pour que le monde entier soit au courant. A dix ans on gémit, mais dès qu’on arrive à quinze ans, on commence à grignoter la pomme empoisonnée qui pousse sur son arbre de douleur personnelle, c’est le Siècle des Lumières à l’occidentale, on commence à bouffer ses poings pour étouffer ses cris, on saigne à l’intérieur.

 

(Richard Bachman — alias Stephen King, né en 1947, Rage, roman, 1977)

 

columbineVideo.jpg

 


wtc2001.jpgNote : La première image illustrant cette rune est tirée de la vidéo du massacre du lycée de Colombine en avril 1999 ; la seconde est la photo des ruines du World Trade Center en septembre 2001.

Entre les deux, il y eut l’an 2000, Martin, Lothar et bien d’autres cyclones de force ou de farce…

Elles sont à jamais terrifiantes ces photos, mais la pire, à mon sens, est sans doute la première dans la mesure où nous n’y comprenons rien de rien à ce truc explosif et surtout à l’heure où j’écris ces lignes, personne sur cette planète ­— ou du moins en Occident — n’a encore osé tirer les leçons du « suicide festif, en holocauste » de ces deux adolescents perdus, paumés, muets pour l’éternité.

On fut horrifié ; on fut stressé ; on fut en colère et dès lors, tous nos boucs émissaires de service furent accablés d’opprobre et de vilénies : Les parents, les éducateurs, les camarades morts ou rescapés, l’internet, les jeux vidéo, les chanteurs punks ou néo-gothiques, les marchands d’armes, la « société en général », les médecins, les pompiers, les juges, la police, Adolf Hitler, les francs-maçons, les psychiatres, Voltaire, Rousseau, ce petit con de Gavroche, et enfin ( ?) le raton laveur qui n’y pourra jamais, mais…

 

Comme chez Pas Assez & Outreau !

Sur le fond, silence de mort…

Trop, c’est trop.

Et sans remords.

 

Certes, avec son terrible film « Elephant » (2003) Gus van Sant tenta bien maladroitement de tracer certaines pistes, mais en vain, à la fin…

Les deux tours, c’était la guerre ; Colombine, c’était deux fous, ma bonne d’âme…

Et le prince matché, le bourgeois comme l’anar sans papier de s’en laver les mains pour des cierges et des siècles, ah, mais !

 

En 1977 (soit vingt ans et des fraises avant Colombine) un certain Richard Bachman publiait un (court) roman intitulé « Rage »

bon, pour tout vous dire, Bachman, c’est Stephen King avec de vrais morceaux de bonhomme dedans hein ! Voilà.

En 1999, en pleine turbulence médiatique du massacre, il décida d’interdire toute nouvelle publication de cette œuvre, aux États-Unis du moins. Comme quoi la liberté d’expression a de fâcheuses limites même dans des pays réputés « démocratiques » (à approfondir d’urgence, il en va de notre survie)

C’est vrai que ce roman « Rage » n’est pas à mettre entre toutes les mains…

Mais pourquoi pas en fait ?

C’est l’histoire d’un adolescent de 16, 17, 18 ans (on s’en fout) nommé  « Nemo » (Charlie Decker en fait — mais je le nommerai « Nemo » parce que c’est comme ça) qui, un beau jour du mois de mai, après avoir regardé gambader les écureuils à travers les vitres de sa salle de classe sort soudain un révolver pour tuer sa prof de maths et ensuite, pendant quelques heures, prend en otage ses petits camarades de son âge et de tout sexe.

C’est tout.

Je ne vous raconte pas la fin parce que ce n’est pas très important en fait, sauf que je brûle de le faire parce que les fins de loup ou du monde sont toujours primitives sinon primordiales ; parce que c’est Stephen King ; parce que cette histoire est une histoire de fou de chez Raisonnable de mes Deux ; parce que c’est un roman pas possible de chez réel ; parce que c’est de la littérature de chez Bonne à tout faire ; parce que c’est civilisateur enfin.

C’est tout.

Alors camembert hein !

J’arrête ici ma parallèle des deux abrutis de Colombine (et autres violents scolaires franchouillards bien contemporains) avec le « Nemo » de Bachman (King)

 

Notre héros littéraire, après son meurtre, prend tous ses petits camarades en otage. Il passe des heures à les cuisiner ; à les faire parler ; à leur demander de tomber leur masque ; à les interroger sur tout et surtout sur le rien qu’ils sont ou pas encore ; à les emmerder grave du bout d’un calibre exterminateur.

Parce que ce « Nemo » ne comprend rien à rien et il ne comprend même pas pourquoi il a tué un professeur ; il ne comprend pas pourquoi il menace et terrorise ses « copains de son âge » ; il ne comprend pas pourquoi il a « la rage » !

 

Notre héros a la rage.

Et cette rage est tout, sauf cette « haine » de bazar dont nos bons sociologues de bazar affublent nos adolescents encore vivants (manipulés à mort et pas encore suicidés !) à chaque journal de chez vingt heures.

 

Parce que ce « Nemo » veut comprendre.

Parce que ce « Nemo » veut  comprendre pourquoi « on » ne le comprend pas.

Parce que ce « Nemo » veut  comprendre pourquoi « on » ne veut pas le comprendre.

 

Parce que notre héros est un adolescent un peu plus intelligent que les autres et qu’il ne supporte pas que ces adultes ne comprennent pas sa mutation pourtant plus naturelle, tu meurs, dans un monde désormais en perpétuelle révolution…

 

On apprendra que ce jeune étasunien moyen, blanc, assisté (comme les deux connards de Colombine) eut une enfance tiraillée entre une mère possessive, dépressive qui se fit une armure de ce fils contre un père inculte, infidèle, méprisant, beauf à bouffer de l’herbe en daube voire hallal ou cachère si on lui avait demandé.

Bon d’accord, c’est très banal…

 

Mais il y a autre chose dans ce roman…

 

C’est le roman d’un ado à jamais condamné qui comprend enfin que la nature et le monde entier, l’univers, ne sont que révolution et qu’il n’y a de meilleur révolutionnaire que le plus jeune, le plus intelligent, le plus parfait et innocent des réactionnaires.

Celui qui « réagit » enfin

Ceux qui ne comprennent pas cela, ne comprendront jamais pourquoi leur fille sera muette à jamais et leurs fils enculés profonds.

Si nous sommes tous, seul, perdu en notre labyrinthe, sachons que son Minotaure n’est pas moins que « l’autre » notre Graal.

 

La psychologie est à la psychiatrie ce que l’astrologie est à l’astronomie, pas plus, pas moins et Stephen King est un des rares auteurs vivants à continuer d’explorer « avec méthode et talent » ce toujours inconnu et terrifiant « no man’s land » de l’esprit humain séparant la « raison » (normalité ?) de la folie (déraison, anormalité ?)

En ce siècle ordonné numéro 21 (paraît-il) on ne sait toujours pas ce qu’est la folie, ce qu’est ou n’est pas un fou et comment ou pourquoi on devient fou.

La folie est clinique, pas académique et personne à l’heure actuelle n’est capable de prouver par A+B sinon X -> Y si l’on nait fou ou si l’on n’est pas fou !

Tout juste, nos « rebouteux » de psychiatres peuvent nous avancer si « ce fou » est dangereux ou pas sans pour autant affirmer s’il le reste ou pas et s’il a été « responsable » de ses actes au plus haut scandale sanglant de sa folie.

 

Nous sommes fous devant la société, mais sans doute pas en face des dieux.

 

La folie la plus destructrice comme la raison la plus constructive doivent être examinées chaque matin, en face, à travers le double vitrage, le miroir, la vitre sans teint de l’enfance la plus innocente et de la maturité la plus érudite.

Toute liberté tisse sa propre camisole que le sage nommera enfin « responsabilité »

Les bonnes civilisations ne se font pas sans un tel condiment, je vous le dis.

 

Chaque matin, nous devons nous envoyer nos ados dos à dos (dose à dos)

 

Le style de Stephen King est simple comme bonjour ; il est trivial à la limite comme celui de tous ces foutus Anglo-saxons qui ne veulent pas se perdre dans des labyrinthes de phrases ornées profuses de virgules superfétatoires, germanopratines et gonflantes et creuses tels des jours sans pain.

Toutefois, le Stephen sait nous gratifier profus d’expressions bizarres, de quelques concepts « martiens » qui ponctuent souvent sa prose de prolétaire étasunien tels cette « tondeuse à gazon » ou encore ce « siècle des lumières » qui tombent dans nos yeux et dans notre esprit comme une couille dans un potage.

 

En conclusion, je sais que Stephen King et Richard Bachman sont de beaux écrivains — quantiques — bien contemporains. Je ne déclare pas qu’ils sont plus de chez Plus, mais qu’ils mériteraient quand même ce fichu prix Nobel.

Je le pense un peu voire beaucoup même si, in fine, ce truc n’est pas grand-chose.

Ce ne sera alors que justice !

J’espère qu’il n’en voudra pas de ma lucidité, lui, qui mourra aveugle.

 

Fin de loup
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L
En fait King a écrit Rage en 1972 et, au même titre que Running Man et Blaze, son écrit a été refusé par les éditeurs. Et ce n'est donc que 5 ans plus tard qu'il a pu le publier dans l'indifférence générale sous le pseudo de Bachman. Et pour l'anecdote, Bachman n'est pas le seul pseudo qu'il a utilisé, il a aussi écrit un unique ouvrage il me semble sous celui de John Swithen.
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P
<br /> Je suis comme Berthe, je n'aime pas avoir peur, et la vraie vie me fournit suffisamment de motifs de peurs et de pleurs. Désolée. J'aime mieux les policiers plus softs avec si possible une bonne<br /> dose d'humour. Un maître en la matière, Léo Malet. Autre genre, n'est-ce pas ?<br /> <br /> <br />
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M
<br /> Pierreline : Ce roman "Rage" n'est pas effrayant en fait. Certes, il y a de la tension, mais tout du long, on sait que ce n'est que de la fiction et on comprend le cheminement de l'auteur. En fait,<br /> cette histoire n'arrivera jamais "dans la vraie vie" (comme vous dites) contrairement à Colombine (et ailleurs) ou Malet d'ailleurs. King a beaucoup d'humour, mais c'est plus "décalé", c'est vrai.<br /> <br /> <br />
B
<br /> Je n'aime pas avoir peur.<br /> <br /> <br />
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M
<br /> Berthoise : Pourtant la peur est soeur de la vie, non ?<br /> <br /> <br />
L
<br /> Merci pour les conseils, il a beaucoup écrit, maintenant je sais par où commencer.<br /> <br /> <br />
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M
<br /> Mère Castor : Tu peux faire toute confiance à Gothic, je te le dis !<br /> <br /> <br />
G
<br /> Je dirais que pour commencer le meilleur serait "ça ", un pavé certes, mais inlâchable avant la dernière page . Et j'avais beaucoup aimé aussi "Misery", "Shining","coeurs perdus en Atlantide", tous<br /> les Bachman, et son livre de réflexions sur l'écriture, "mémoire d'un métier" ...mais évidemment, c'est très subjectif !<br /> <br /> <br />
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M
<br /> Gothic Inside (Par tout "ça", quel pseudo !) : Merci, pour ces conseils.<br /> <br /> <br />
L
<br /> J'attends depuis longtemps qu'on me donne une bonne raison de lire King, que je n'ai jamais lu. (on a ses lacunes, voire ses faiblesses) Merci Martin et Gothic Inside, je vais le lire, il y en a<br /> plein à la bibliothèque, chouette.<br /> <br /> <br />
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M
<br /> Mère Castor : Je vais rarement te lire (comme d'autres) ces temps-ci, c'est à la fois faiblesse et déraison ! Je vais me soigner, foi d'animal !<br /> <br /> <br />
G
<br /> je passais voir comment se portait ta provision d'aquavit de l'esprit (sic), je vois que tu as ce qu'il faut pour travaerser ces froids... Bises<br /> <br /> <br />
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M
<br /> Giov : J'ai toujours froid et faim (bises en retour)<br /> <br /> <br />
G
<br /> Monsieur le loup, quand je disais "dans mes bras ! " c'était dans un grand élan maternel et confraternel, au nom de Maître King ... mais vous me semblez avoir l'esprit fort mal tourné , ou être<br /> affligé d'une sévère myopie qui vous porte à confondre les mères-grands de mon espèce avec les petits chaperons rouges !<br /> <br /> <br />
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M
<br /> Gothic Inside (Par toutes nos saintes mères fraternelles, quel pseudo !) : Pff ! A ton âge, on n'est pas encore grand-mère ! (Bises)<br /> <br /> <br />
G
<br /> Si j'ai bien compris, encore un mordu du grand Stephen ! je serais bien embêtée si je devais établir une liste de ses meilleurs romans ...<br /> <br /> <br />
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M
<br /> Gothic Inside (Par toutes les puces d'Untel, quel pseudo !) : Pour me confesser net, je ne connais le King que par ce (très) court roman et j'ai du mal à trimballer et pas le temps surtout de me<br /> taper ses gros pavés réguliers qui dominent de haut toutefois ceux de ses confrères (à ce que j'en lis en travers au rayon des librairies) Toutefois, le Stephen inspire pas mal de cinéastes pas mal<br /> (dont le Gus Van Sant, même s'il ne veut pas l'avouer) Shinning... Etc...<br /> Et surtout, le King écrivit une nouvelle intitulée "The body" dont on fit un superbe film, bien méconnu : "Stand by me" Mais j'en ai déjà parlé hein !<br /> <br /> <br />
S
<br /> Quand on commence à comprendre les choses... Heureusement, les langoliers effacent tout.<br /> <br /> <br />
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M
<br /> Saturnin : De nos jours, beaucoup de gens veulent trop effacer trop de choses et conserver mordicus des trucs bizarres bien défréchis et puants en fait. Mais bon, à chacun sa nostalgie hein !<br /> <br /> <br />
G
<br /> Ca me fait drôlement plaisir que tu dises ça, parce que moi, je suis une fan de King depuis ses premiers bouquins, malgré les "mouais ... " condescendants de certains hintellos de chez Kulture .<br /> Dans mes bras, le loup !<br /> <br /> <br />
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M
<br /> Gothic Inside (par tous les kings, quel pseudo) : Je ne me jetterai dans tes bras almes qu'avec l'autorisation écrite de ton mari (un saint homme, s'il en fut) et de ton fils (un grand martyre<br /> devant l'éternel). Non, non, pas sur la tête ! Mille bises<br /> <br /> <br />